A croquer

« La cage dorée », Camilla Läckberg : un tournant thématique dans l’œuvre de la romancière suédoise qui ne laisse pas de marbre !

Mon péché mignon, comme beaucoup d’entre vous je l’imagine, est de dévorer chaque nouvel opus de la suédoise Camilla Läckberg. Encore plus lorsqu’elle laisse en stand-by son héroïne des débuts, Erica Falck, pour nous offrir un nouveau personnage – féminin bien sûr – avec Faye Adelheim. L’action se délocalise aussi : Fjällbacka, petite bourgade de toutes les aventures d’Erica et de Patrik, renvoie ici au passé de Faye ; plein feux sur la capitale, Stockholm.

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Faye est l’épouse du très riche et brillant homme d’affaires Jack Adelheim. Tombés follement amoureux l’un de l’autre lors de leurs études, Faye a aidé de son talent Jack, afin d’ériger sa société Compare, firme talentueuse et mastodonte de l’économie suédoise.

Peu à peu pourtant, et même avant la naissance de leur petite Julienne trois ans plus tôt, Jack a commencé à délaisser Faye, se rendant de moins en moins disponible, que ce soit pour l’accouchement de sa femme comme pour les menus besoins du quotidien. Les luxueux achats de Faye pour maintenir la flamme de la séduction se soldent par des échecs cuisants, trop souvent renouvelés. Pire, Jack, taciturne face à elle, l’humilie de plus en plus par des remarques assassines et des exigences dégradantes. Mais à chaque fois, Faye pardonne. Pire : elle plaide coupable. Tout plutôt que contrarier Jack, l’amour de sa vie. Elle s’écrase. Toujours plus, toujours plus bas.

« La catastrophe approchait. Bien sûr, elle aurait dû en voir les signes. Ouvrir les yeux. On dit que rien ne nous rend plus aveugles que l’amour, mais Faye savait que rien ne nous rend plus aveugles que le rêve d’amour.

L’espoir est une drogue puissante. » (p.145)

Où est passée la passion et la folie de leur amour fusionnel des débuts ? Comment le mariage de Faye et de Jack a-t-il pu s’étioler à ce point, alors que Faye s’emploie à être une épouse modèle ? Quand Faye va-t-elle ouvrir les yeux sur le mépris de son mari ? Pourquoi ce dernier se complaît-il à bafouer les liens du mariage par un irrespect écœurant ? Faye peut-elle s’échapper de cette cage dorée, dans laquelle elle est de plus en plus malheureuse, et ourdir une vengeance contre son bourreau ?

« Il y avait là un tel besoin de compensation, de restaurer une fierté perdue, de rendre, de reprendre, de se venger. » (p.232)


Le style Läckberg est reconnaissable entre mille avec ce double tempo dont elle use dans chacun de ses romans. De fait, tout le roman est un entrelacement entre la narration à la troisième personne du présent de Faye et une narration à la première personne pour que Faye rende compte elle-même de sa genèse familiale – cette époque où elle était encore Matilda… – puis étudiante avant de devenir celle que nous connaissons. Un passé trouble, douloureux, mais qui n’est pas sans rejoindre, hélas, son histoire présente. Peut-on vraiment échapper à son passé ?

« Il ne savait rien de la douleur que j’avais dû endurer, des actes que j’avais été forcée d’accomplir, des visions avec lesquelles j’étais forcée de vivre pour le restant de mes jours. » (p.104)

Il est évident que Camilla Läckberg a voulu dans son nouveau roman prôner un féminisme éclatant :

  • dénoncer les violences, tant physiques que morales, faites aux femmes,

« La plupart des femmes sont des blessées de guerre. D’une certaine façon. » (p.180)

  • plaider le courage pour abolir une soumission trop souvent perçue comme normale par ces victimes des hommes,

« je n’avais qu’une idée en tête : jamais plus je ne laisserai quelqu’un m’humilier. » (p.36)

  • célébrer la business-woman sûre d’elle, avec deux success-stories édifiantes dans le roman,
  • faire l’apologie d’une sexualité décomplexée, au cœur de laquelle la femme est reine (cela nous vaut d’ailleurs les scènes les plus crues que Camilla Läckberg ait jamais écrites !).

« Désormais, elle était prête pour la guerre.

Faye savait qu’elle avait dans son arsenal la meilleure arme : sa féminité. Elle poussait les hommes à la sous-estimer, à la chosifier, la prendre pour une idiote. Jack ne gagnerait jamais ce match. Elle était plus maligne que lui. Depuis toujours. Elle l’avait juste laissé l’oublier, et l’avait, elle aussi, oublier. » (p.172)

Certains propos sont certes parfois prévisibles, certaines descriptions (notamment physiques) confèrent au cliché et certains faits peuvent sembler improbables, mais l’ensemble est diablement bien troussé. Preuve en est : le dénouement, totalement inattendu, confirme le talent de Läckberg de conteuse au sang froid…

Le parcours de Faye, entre immoralité et droiture exemplaire, laisse songeur : la fin justifie-t-elle les moyens ?


La cage dorée, Camille LÄCKBERG, traduit du suédois par Rémi Cassaigne, éditions Actes Sud, collection Actes noirs, 2019, 341 pages, 22.30€.

 

 

 

6 réflexions au sujet de “« La cage dorée », Camilla Läckberg : un tournant thématique dans l’œuvre de la romancière suédoise qui ne laisse pas de marbre !”

  1. Je viens justement d’emprunter mon premier roman de cette autrice ! Cela va être l’occasion pour moi de la découvrir et celui-ci me fait terriblement envie x) Je sens que si celui que je lis me plaît, je vais craquer pour celui-là aussi

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