
Un bien joli gynécée que ce roman choral où de multiples voix de femmes se croisent autour d’un événement à venir : celui de la fête organisée pour la petite Eve, bébé issu de la PMA et qui a permis à Stéphanie de réaliser son rêve d’être mère. Le père, il sera considéré comme « intime », et ce sera son très bon ami gay Greg qu’elle intronisera comme tel.
« Tout ce que j’abomine, la comédie du rêve familial, le simulacre des sentiments indéfectibles. […] Alors la vie de couple, l’union consacrée, non merci, je les laisse danser sans moi la mortifère farandole. Je n’en ai jamais eu envie, je n’ai formé aucun rêve, pas même un espoir. » (p.30-31)
Stéphanie sait qu’elle risque de se heurter aux remarques désobligeantes de sa mère, Nicole, hautaine et acariâtre, narcissique et égoïste. Mais tant pis : elle sait qu’elle fera front commun avec ses deux sœurs, la plantureuse Laurence et la délicate Lucie. Surtout, elle sait qu’elle ne sera pas comme sa mère, détachée et indifférente à son enfant. Alors, rien n’est assez beau pour cette grande fête qui sera, c’est décidé, d’un blanc immaculé, signe d’une nouvelle vie à faire grandir.
Le récit fait se succéder les voix de Stéphanie, d’Eve, de Nicole, de Laurence, de Lucie, de leurs filles, de Corinne l’amie de toujours, de Jamila la nounou… Et si la fête en l’honneur d’Eve est au centre des retrouvailles à venir, chacune de ces femmes évoque son propre récit de vie à travers un fait, une anecdote : la difficulté à être célibataire et mangeuse d’hommes tout à la fois ; les complexes liés à un embonpoint conséquent qui a valu un divorce pour que monsieur convole avec une plus jeune et une plus mince ; les premières règles ; la « noisette » nichée au creux d’un sein ; la tentation adultérine pour fuir un foyer conjugal monotone… Autant de femmes que de problématiques toutes féminines, chacune étant confrontée à un choix de vie ou à un tournant de vie décisif.
« Une vie à aimer, nourrir, servir, les filles, Frédéric. Une vie à travailler aussi, en plus de tout le reste, pour finalement, brutalement, me retrouver abandonnée, raide de malheur, à attendre la fin. » (p.108)
« Mais recommencer quoi, quand tout se presse autour de moi pour me montrer la sortie ? » (p.115)
La polyphonie est harmonieuse et chaque protagoniste s’y livre dans toute sa complexité de femme, à savoir ses doutes, ses tiraillements… La douceur évoquée dans le titre se sent, se ressent dans l’écriture, qui a aucun moment ne condamne l’une d’entre elles, pas même Nicole, dont on devine que l’aigreur cache en réalité des failles certaines.
« Tout ce temps sacrifié durant lequel j’aurais pu faire quelque chose de ma vie. J’aurais tant aimé écrire des romans ! Mais non, je n’ai été que l’esclave de ces demoiselles et la servante de leur père. » (p.99)
Ce joli gynécée célèbre la féminité et revendique un certain féminisme : celui d’assumer ses choix, de s’affranchir des diktats de la morale pseudo-bienpensante, longtemps érigée en règle et carcan dont les protagonistes ont passablement du mal à se défaire.
« Qu’est-ce que ça veut dire exactement, j’en sais trop rien, c’est plutôt ce que je ressens, cette impression que je deviens… que je deviens moi ! » (p.188)
Le roman se referme et c’est alors à nous lecteurs de ressentir la douceur de la plénitude narrative et thématique atteinte…
Pleine et douce, Camille FROIDEVAUX-METTERIE, éditions SABINE WESPIESER, 2023, 216 pages, 20€.
Cette histoire semble très agréable à lire… dans la PAL tout de suite !
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Un sublime récit ! Je sens que tu ne vas pas tarder à le lire… 😉 Belle lecture par avance !
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