
Huit ans de mariage. Un couple uni, affichant un bonheur et une complicité sans faille, suscitant envie et admiration de leur cercle amical. Un mariage pour le meilleur et pour le pire : les longues semaines de reportage en zone de guerre pour elle, la stérilité pour lui. Un mariage en lequel croire.
Pourtant, lorsqu’elle découvre que son mari, successivement renommé « l’Autre », puis « l’Enfoiré » jusqu’au « Salaud », cache une quantité impressionnante de médicaments pour favoriser la performance sexuelle ainsi que des cartes pour des clubs libertins, sa vie vole en éclats : trahie, piétinée, humiliée, elle comprend que son mari mène une double vie, débridée et anarchique.
Décidée à l’acculer à ses mensonges et à sa trahison, elle fait pourtant face à un mur : son mari se drape dans un mutisme absolu, méprisant et dédaigneux. Pire : il ourdit discrètement sa prochaine vie en s’employant à mettre en miettes celle de son actuelle épouse. La rage et la haine de cette dernière grandissent encore plus car elle n’a aucune prise sur le silence de son mari.
« Rien. Uniquement le silence dont il s’entoure. L’Enfoiré n’est plus qu’une ombre qui joue avec ses nerfs. Et jamais ne la quitte cette envie de le gifler, le secouer, afin qu’il sorte de cette indifférence qui la rend folle. Elle it avec un serpent qui s’échappe, se faufile, glisse entre ses doigts. » (p.145)
Terrassée par la violence de la trahison qui réduit en miettes un mariage qu’elle pensait éternel, elle court des heures dans Paris et fait la connaissance dans le parc Montsouris de Sylvan, un SDF meurtri par les accidents de sa vie. Une rencontre improbable entre deux êtres que tout sépare, sinon l’envie de se venger de la vie qui les malmène.
« Il y a une telle douleur contenue dans ses paroles qu’elle se retrouve dans sa propre souffrance. Bien sûr leurs blessures ne sont pas les mêmes mais ils avancent l’un et l’autre, fragiles, coûte que coûte. » (p.247)
Quel est ce couperet qui un jour scie net les sentiments ? Comment la vie peut-elle prendre un tour si dramatique en si peu de temps alors que rien ne laissait présager un tel revirement ? Que sommes-nous, misérables marionnettes, d’un destin auquel on ne peut rien ?
Sarah Marty signe un roman d’une force édifiante en livrant le portrait d’une femme – anonyme, vous l’aurez compris – ignoblement bafouée. Elle parvient à suggérer la violence de cette spirale infernale dans laquelle l’héroïne alterne entre haine, rage et désespoir. Aucune complaisance n’est de mise, tant pour elle que pour Sylvan. La moralité du mariage est ruinée par les mensonges d’un époux volage, finalement tout entier centré sur sa personne, son plaisir et ses envies.
« Elle a l’impression de se noyer, elle manque d’air, doit remonter à la surface. Vite. Et c’est sous une inspiration bruyante qu’elle ouvre grand la bouche pour reprendre sa respiration. Son corps tremble, ses mains ne lui obéissent pl. Elle s’oblige à respirer régulièrement comme après une course folle. Elle ordonne à son corps de se taire, elle ne veut plus entendre son cœur frapper à ses tempes, sourdre dans ses oreilles. Elle demande à ses mains de cesser de trembler et à ses jambes de la porter, mais son corps ne répond plus et son dos se voûte. » (p.71-72)
Au-delà du portrait de cette épouse trahie, c’est toute une réflexion sur la généalogie féminine et la mécanique de la répétition des épouses trahies que Sarah Marty évoque dans le récit, puisque, avant l’héroïne, sa propre mère, sa propre grand-mère ont été mise à terre par l’abandon de l’homme aimé. Alors, saura-t-elle casser le maillon libérateur de la chaîne ancestrale de trahison amoureuse ? Peut-elle avoir la force nécessaire pour que le schéma ne se reproduise pas ?
Un roman symptomatique sans doute pour nombre de femmes, mariées ou non. Nous retiendrons de ce récit la fulgurance des uppercut que le lecteur reçoit en même temps que l’héroïne. Un roman dont on sort sonné. Un roman qui questionne ce qu’est aimer.
« Elle pense à toutes les femmes comme elle qui se sont fait avoir par des coureurs de jupons invétérés, des types assoiffés de sexe, des dons Juans de pacotille, des hommes qui ne cherchaient une épouse ou une compagne que pour s’offrir une image sociale. » (p.109-110)
Juste après l’amour, Sarah MARTY, éditions Denoël, 2020, 298 pages, 18€.
Un grand merci aux éditions Denoël pour l’envoi gracieux de cet extraordinaire roman, ainsi que pour toutes ces années de partenariat.

Ce livre est une véritable tempête de force 8 ou 9… Il est indéniable que des hommes (ou femmes peut-être aussi ) se marient juste pour leur image d’égocentriste. Le rôle de la femme et des générations précédentes est complètement mis à mal. On n’expliquera jamais assez le jeu de ces manipulateurs qui nous entourent et qui détruisent la vie de leurs conjoints.
Merci pour ton analyse !
Ma PAL va devenir vertigineuse 😉
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Et ton regard est très pertinent !!!! Je plaide coupable pour la PAL 😇😇😇😇😇 😘
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