
Barbara, professeur d’histoire-géographie à la retraite, a pris sous son aile sa collègue Sheba, une jeune femme mariée, mère de deux enfants, honnie par le peuple britannique. Son crime ? Avoir noué une relation intime avec le jeune Steven Connolly, son élève de quinze ans.
Lorsque Sheba arrive dans l’établissement scolaire défavorisé Saint-George en 1996, elle fait tourner la tête de tous ses collègues : jolie, mutine et ignorante de son pouvoir d’attraction, Sheba aimante tous ceux qui la côtoient. Barbara, vieille fille psychorigide et mal dans sa peau, a tout d’abord du mal à prendre cette jeune recrue au sérieux. Le bazar dans les cours de poterie de cette dernière ne tarde pas à lui donner raison.
« De ce point de vue, je suis une enfant : je peux vivre, sur le plan psychologique, pendant des semaines entières sur une miette de projet, avec toujours le risque d’écraser l’événement à venir sous le poids excessif de mes espérances. » (p.123)
Et pourtant, un réel lien d’attachement naît peu à peu entre elles. Barbara découvre le quotidien de sa nouvelle amie, son foyer, son époux Richard, bien plus âgé qu’elle ; son jeune fils Ben, atteint de trisomie.
« Quand j’avais connu Sheba, son bonheur semblait inaltérable : c’était une merveille de plénitude. Son existence avec Richard – les dîners entre amis, les vacances en France, la maison pleine de collègues, d’enfants, d’ex-femmes et de relations -, tout semblait destiné aux pages « Gens heureux » des journaux. » (p.156-157)
Elle se laisse peu à peu envahir par une certaine fascination pour cette seule et unique amie qui lui confesse un jour le baiser de Connolly. Barbara s’offusque et la met en garde : Sheba doit à tout prix éconduire le jeune prétendant. Mais le jeune professeur se laisse envahir par le goût de l’interdit et chérir l’adultère avec un élève dans le dos de son mari, quitte à vivre dangereusement les délices d’une liaison totalement illégale et condamnable.
Barbara, témoin indirect de cette liaison et confidente à demi-mots de Sheba, peut-elle réussir à raisonner son amie et lui éviter les risques de tout scandale judiciairement dommageable ? Et si l’amie sincère se transformait progressivement en duègne au cœur d’une tragédie à venir ? Barbara, initialement alliée de choix et de cœur, peut-elle se transformer en menace lorsque son amie en vient à lui préférer un adolescent à elle ?
« Mes remords pour mes propres manquements sont immenses. » (p.217)
Ce récit de Zoë Heller, qui met en abyme la « chronique » de Barbara, questionne l’amitié entre femmes, entre fascination et rivalité, le célibat subi, les relations entre pairs et, bien évidemment, les amours interdites qui, d’un coup de cœur, deviennent le coup de grâce de bien d’autres liens. L’écrivaine donne cœur et corps à cette intrigue en lui accordant une épaisseur psychologique conséquente. De fait, un roman qui se lit d’une traite, chronique d’un scandale parmi tant d’autres.
A quel moment franchit-on un point fatal de non-retour ? Le roman dissèque la question mais s’abstient de trancher. Notre rôle à nous lecteurs ?
Chronique d’un scandale, Zoë HELLER, traduit de l’anglais par Pierre Charras, éditions CALMANN-LEVY, 2005, 311 pages, 19.50€.
