A croquer

« Ne jetez pas les sirènes avec l’eau du bain », Raphaële Moussafir : oser le grand plongeon ?

Laure et son fils Eliott, Marion et Sidonie ne se connaissent pas au début du récit et pourtant, tous ces personnages ont un point commun : se croiser à la piscine de leur quartier parisien. Si pour les uns il s’agit d’une ascèse sportive nécessaire, vitale à leur bien-être, il s’agit pour d’autres d’une contrainte. L’eau de la piscine s’avère alors bien utile pour y noyer les larmes qui peuvent couler sans qu’on les retienne.

Pour qui s’agit-il d’une thérapie hygiéniste et pour lesquels la piscine s’avère-t-elle une torture ? Je vous laisse le soin de le découvrir.

« Je suis sur le banc pour toujours, les gens sont dans l’eau depuis longtemps. Où est ma place ? » (p.50)

Dans tous les cas, les regards se croisent : d’un chapitre à l’autre, les voix narratives alternent, et Sidonie de profiter d’une remarque bienveillante de cette magnifique jeune femme qui nage si bien ; et Marion d’apprécier le corps tout en volupté de cette néo-nageuse qui oublie sans cesse son bonnet…

Si la piscine est à la fois le lieu et l’activité qui concentre les protagonistes de ce sympathique récit, elle n’est aussi qu’une toile de fond au déploiement d’instants de vies : la « transparente » Laure de questionner son empreinte auprès des autres et en elle-même ; le petit Eliott, éperdu d’amour pour la jolie Fanny, de composer des stratagèmes pour être toujours plus près d’elle ; Marion, d’oser envisager un pas de côté dans son quotidien aux lignes rectilignes et immuables ; et enfin Sidonie, hantée par un passé tourmenté et engluée dans une inertie pathologique.

Et chacun / chacune de se livrer : les portraits s’étoffent, les relations se nouent d’une cohérence finalement imparable. Et si le point d’imbrication et de rencontre de tous devait avoir lieu au beau milieu d’un bassin à l’eau chlorée ? Quel événement imaginer pour que l’épiphanie, que l’on ne peut qu’espérer heureuse, advienne ?

« C’est strident, brutal même, mais, je ne sais pas, cette notion de rassemblement me bouleverse. Ca me donne envie de pleurer, de mourir. Ou de vivre énormément. » (p.25)

Raphaële Moussafir signe un récit sympathique, idéal à dévorer cet été, au bord d’une piscine, aussi bien entouré(e/es) que possible. Après tout, les points d’accroche les plus évidents ne sont-ils pas les plus inattendus ?

« en théorie, la piscine est le stage d’intégration existentielle le plus complet et adapté qui soit. » (p.141)

Ne jetez pas les sirènes avec l’eau du bain, Raphaële MOUSSAFIR, éditions ROBERT LAFFONT, 2024, 201 pages, 18.50€.

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