A dévorer !

« Camille va aux anniversaires », Isabelle Boissard : souffle court

Après des années de vie d’expatriée, Camille revient en France à 52 ans, séparée de son mari Laurent qui a trouvé l’amour… avec une Danoise de 53 ans ! Six mois à ruminer la rupture, et l’invitation, fortuite, de Christophe, son meilleur ami de toujours, pour organiser l’anniversaire surprise de sa compagne Bianca.

« quitter Copenhague, ça va te changer les idées » (p.17)

Peut-être un bon prétexte pour Camille que ce séjour parisien, puis breton, pour se familiariser à nouveau avec les mœurs françaises. Lui ont-elles manqué ? Peut-être pas tant que cela car, de dîners entre amis en verres avec les copines, le constat est assez édifiant : chacun (ou presque) se drape dans des poses supposées faire plus ou moins illusions quant à sa vie. Instagram ? N’en parlons pas : Camille fustige le réseau social qui célèbre l’être et surtout le paraître.

« Vraiment, c’est le problème avec les réseaux sociaux, on se compare à trop haut, trop brillant, mieux vaut regarder un abat-jour droit dans les yeux que de fixer le soleil, ça fait moins mal aux yeux. » (p.43)

Car Camille est ainsi : on ne la lui fait pas. Sous le vernis, elle perçoit la craquelure, la faille qui révèle la mise en scène, les doutes, les incertitudes. Un miroir à ses propres atermoiements, peut-être, qui sont nombreux : pourquoi a-t-elle accepté d’organiser un anniversaire surprise alors que Bianca lui est totalement indifférente ? Peut-elle espérer retrouver l’amour, de retour en France ?

Alors que ses journées s’étirent entre deux coups de fil et des heures passées à scroller les réseaux, il faut se rendre à l’évidence : Camille se complaît quelque peu dans ce vide, étape sans doute nécessaire pour reprendre pied, se retrouver et avancer, enfin, de nouveau.

« Tout le monde parle de sortir de sa zone de confort. Moi je me conforte dans ma zone d’inconfort. » (p.50)

Peut-être l’organisation de l’anniversaire n’est-elle qu’un prétexte, mais c’est de mises en relations dont Camille a besoin. Et, dans notre société ultra-connectée, le paradoxe est édifiant : n’a-t-on pas jamais été aussi seul que derrière son écran ?

« Se revoir une fois suffit. On n’a finalement pas tant de choses que ça à partager. On s’est manqués sur le papier. On s’est habitués à ne pas se voir. A se faire des déclarations auxquelles on croyait. Un seul être vous manque et tout est surestimé. » (p.86)

Ce récit d’Isabelle Boissard est une pépite car il est surtout et avant tout le prétexte à de nombreuses réflexions, toutes plus cinglantes les unes que les autres, de notre sympathique héroïne. Dépourvue de toute langue de bois, elle tacle avec pertinence les aberrations de nos modes de vie. Autant dire qu’il y a de quoi faire, et l’on se régale.

« L’amitié, sous l’emballage, il y a la jalousie. » (p.29) « Instagram, c’est la cour de récréation avec les populaires et les losers. » (p.194)

Impertinent, sarcastique et satirique, intelligent et touchant, le texte d’Isabelle Boissard nous invite à passer treize journées en compagnie d’une femme au mitan de sa vie. Seule, un point de bascule possible vers le néant, sauf si vers elle des mains amies se tendent…


Camille va aux anniversaires, Isabelle BOISSARD, éditions LES AVRILS, 2024, 245 pages, 21.10€.

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