A croquer

« Prends garde à toi », Manon Fantou : aux (l)armes !

Marie a 22 ans et la vie devant elle. Cela tombe bien : elle en profite allègrement entre deux sessions de cours très sérieuses pour son Master à ASSAS. Ainsi, fêtes endiablées, corps enfiévrés et surtout le regret d’Antoine, son grand amour passé, rythment son quotidien trépidant.

Et puis un jour son regard s’arrête sur Clément, l’archétype de l’aristo pur jus qui cultive pourtant un sens certain du décalage. L’attention de Marie est ferrée : à tout prix, mener Clément à son lit. Mais soyons clairs : il ne s’agit là que d’une tocade, la jeune étudiante assumant totalement d’être encore éprise d’Antoine. Elle passe du bon temps avec Clément, et là est l’essentiel. Que celui-ci ne lui jure pas l’amour éternel, ou elle fuirait.

Sauf que le destin en décide autrement… Marie découvre qu’elle est enceinte et qu’il est trop tard pour avorter. Clément assume, et finit même par s’en réjouir. Marie feint, et commence à dépérir. Cet enfant, elle n’en veut pas. Cette union avec Clément, encore moins. La voilà menottée, ventre saillant et poitrine alourdie, prisonnière d’un carcan où prime l’étiquette. Mais Marie n’est pas de ces filles qui plient sous le poids des coutumes et de la bienséance.

« Tout serait tellement simple si je l’aimais. » (p.62)

« Je me demande si c’est grave de ne pas être amoureuse. A chaque réveil, je pense à la rupture : c’est une idée lointaine, une hypothèse que je ne peux pas toucher. » (p.117)

La suite, je la tais. Il vous faut la découvrir. Poignante.

Manon Fantou signe un roman singulier et passionnant qui questionne les conséquences inattendues de choix d’un soir, de tocades passagères qui semblent s’ancrer pour l’éternité sans que la volonté n’ait eu à se prononcer. Quand la liberté de vivre conduit à l’emprisonnement d’une vie entière, comment réagir ? Accepter avec fatalisme une forme de déterminisme ? La voix de Marie assume sa liberté de ne pas se conformer totalement aux injonctions de son « état », et la fibre féministe brûle sous le joug du patriarcat bien-pensant. Manon Fantou détricote les codes sociétaux dans une réflexion somme toute osée, mais franchement bien pensée.


Prends garde à toi, Manon FANTOU, éditions MERCURE DE FRANCE, 2025, 124 pages, 16€.

Laisser un commentaire