
Virgil et Kathleen Beckett forment un couple middle-class on-ne-peut-plus typique des années 50 aux États-Unis : deux enfants en bonne santé, un appartement sans charme mais fonctionnel dans le Delaware, un quotidien rythmé par les journées de travail insipides dans les assurances pour monsieur et les tâches ménagères pour madame. Une vie sans relief apparent, mais aux saillies internes dangereusement menaçantes.
Ainsi, le beau Virgil assume en secret et sans complexe aucun les nombreuses infidélités que son charme ravageur, incontesté et incontestable, lui offre sur un plateau. Il aime Kathleen, c’est indubitable, mais il aime aussi sa liberté de séducteur, mariage ou pas.
« Il n’était pas collet monté, mais n’était pas non plus très à l’aise face à l’inattendu. Toute sa vie, il avait préféré trouver des arrangements avec ce que le destin lui réservait. » (p.20)
Kathleen, quant à elle, a remisé dans ses placards sa robe de tennis, vestige de ses années étudiantes au cours desquelles elle a brillé par son jeu lors de nombreuses compétitions. Brillé aussi auprès de son entraîneur de l’époque, le ténébreux Billy Blasko, Son premier amour, son éternel amoureux aussi. Aussi, même si elle a su avancer et faire des choix, le présent de Kathleen semble aujourd’hui n’avoir plus guère de sens pour elle. La faute à ses soupçons quant à son mari ? La faute à la ressemblance douteuse entre son fils aîné et son premier amant ?
« Epouser Virgil, se dit-elle, était le parti le plus prudent. Peut-être qu’elle ne pouvait pas gagner, mais elle ne perdrait pas. » (p.81)
Toujours est-il qu’en ce dimanche de novembre à l’étrange chaleur, Virgil et ses deux fils retrouvent, au retour de la messe, Kathleen dans la piscine de la copropriété. Et elle ne veut pas en sortir, malgré toutes les demandes réitérées de son mari. D’où vient cette étrange rébellion ? Virgil s’étonne… puis mûrit des hypothèses, assez fâcheuses pour lui. Et si son épouse avait tout découvert ? Loin de se douter qu’elle-même se questionne sur la validité de son union, Virgil se voit contraint et forcé de ré-envisager ses agissements à la lumière du coup d’éclat de Kathleen.
« Virgil savait qu’il était piégé : le passé devait être révélé. Il devait revenir en arrière, et là seulement, il pourrait avancer. » (p.127)
Que peut-il ressortir de cette situation de crise, alors que les eaux semblent si dormantes dans cette piscine si banale ? Menace de tempête et de destruction ? Noyade d’un couple destiné à sombrer, happé par les méandres filandreux de leur passé respectif ?
« Mais Kathleen n’était pas encore prête à sortir de la piscine. Une fois qu’elle serait sortie, tout retournerait à la normale, et la normale n’était plus acceptable. » (p.135)
Récit autour des mensonges et des aveux, que l’on fait à l’autre ou que l’on confesse à soi-même, Nage libre se lit en apnée, le temps d’une belle coulée littéraire…
Nage libre, Jessica ANTHONY, traduit de l’américain par Claro, éditions du CHERCHE-MIDI, 2025, 141 pages, 18€.

Encore un bon moment à passer, je suppose 😉 Merci pour ton analyse. Dans la PAL !
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