
Rejetons des années 80, Laure et Samuel grandissent et découvrent, année après année, de leur tendre enfance jusqu’à leur adolescence, les tourments de l’amour juvénile. Celui qui prête à sourire, tant il est tendre de mièvrerie touchante. L’appel que l’on attend de celle à qui l’on a demandé de sortir ; la brûlure du premier baiser un soir de colonie de vacances ; la première fois inespérée après une attente finalement déçue… Une éducation sentimentale initiatique, à la fois douce et cruelle.
« Moi qui n’ai jamais compris pourquoi les gens ferment les yeux quand ils s’embrassent, mon corps le sait enfin : parce que c’est trop fort. » (p.35)
Lorsque nos protagonistes se rencontrent en 2005, c’est l’évidence : Samuel fond immédiatement sous le charme de cette tempétueuse jeune femme aux cheveux rouges et aux tatouages. Laure, pourtant difficile dans ses choix et dans son approche, n’hésite pas : Samuel la fait rire, l’embarque dans une bulle de sécurité et de tendresse finalement bienvenue. Leurs deux mains étroitement nouées, Laure et Samuel entament leur cheminement de couple.
« J’attends qu’il me choisisse. J’attends qu’il décide. Pour ne pas prendre le risque qu’il me dise non. Pour faire durer ce moment plus longtemps, ce moment où on ne sait pas, où on n’est pas sûr, peut-être qu’il me veut, peut-être pas, et s’il penchait vers moi là maintenant, est-ce que j’aimerais, est-ce que je serais d’accord, est-ce que je lui rendrais ses baisers ? » (p.76)
L’évidence, éclatante, se mue progressivement en tranquille normalité. Le rythme trépidant de leur vie citadine se calme dans une banlieue prospère de la périphérie parisienne. Laure, par amour, ne voit aucune raison de refuser le rêve de Samuel. Mais la naissance de leur fils et la mise entre parenthèses de sa vie de femme active ont tôt fait de plomber sa joie de vivre. Samuel, de son côté, est de plus en plus souvent absent, assurant les besoins financiers pour tous. Et le duo de se scinder, lentement et sûrement, les scissions devenant peu à peu explosives.
Comment la fougue des débuts se transforme-t-elle en désaveu des serments de jeunesse et désamour désabusé ? Le couple, quel qu’il soit, est-il forcément frappé du sceau de l’usure ? Quelles ressources à cette fatalité, alors que tout semblait si évident ? A quel moment les liens se distendent-ils alors que tout a si longtemps et minutieusement été construit ?
« J’ai tellement changé. Je ne sais pas où je suis passée. » (p.128)
Le propos est pessimiste, on s’en doute, et on perçoit l’inéluctabilité de la rupture. A quelles concessions répondre pour garder l’amour sauf ? Faire preuve de facilité, ou s’enfermer dans ses principes, contre tout et malgré tout ?
Elsa Flageul propose un roman miroir à quiconque se questionne sur l’amour. Quelques moments sont particulièrement beaux, teintés du sublime de la fulgurance. Les écarts qui font sombrer le couple dans la crise en sont pour le coup encore plus terribles.
« Ils se croient uniques, minoritaires, exceptionnels, ils se trompent, ils sont nombreux et cachés, une armée de cœurs vibrionnants, invisibles et muets. » (p.131)
Laure et Samuel, un couple archétype parmi tant d’autres. Et pourtant, un couple qui aura cru en sa singularité, évidente. Mais le crash des illusions et du temps qui passe met fin à toute entreprise d’originalité. La vie, ses joies et ses atermoiements. Tout simplement.
Coup de cœur.
Une fille difficile, Elsa FLAGEUL, éditions MIALET BARRAULT, 2025, 185 pages, 19€.
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