A dévorer !

« Je pense que j’en aurai pas », Catherine Gauthier : l’heure du choix (ou pas)

Catherine a 37 ans et la société fait peser sur elle l’injonction de devenir mère. Sauf qu’elle pense qu’elle n’en aura pas. Attention, nuance : non mais qu’elle n’en veut pas, mais qu’elle n’en aura pas.

Pourquoi ? Parce que son parcours de vie n’a peut-être pas été celui dont elle rêvait étant petite. Parce que son amoureux est parti avant que la réflexion d’un enfant à deux n’avance. Parce que les enfants, ce n’est pas vraiment son truc… Et puis, faut-il vraiment justifier pourquoi une femme n’a pas d’enfant ? A qui rendre des comptes ? Aux autres femmes, qui elles sont mères et qui sont, la tête haute et digne, « passées de l’autre côté » ? A la lignée, dont on risque de couper net une branche à refuser de perpétuer les gènes ancestraux ? A la société ? Toujours prompte à juger (voire conspuer) ce qui n’est pas dans la norme, on le sait bien.

Être une femme qui n’a pas d’enfant aujourd’hui interroge, surprend peut-être aussi. Certains penseront « contre-nature ». Après tout, pendant des siècles, le patriarcat n’a-t-il pas conféré la femme au rôle exclusif de mère ? Catherine Gauthier entreprend, dans ce roman graphique autobiographique sublime (les dessins, au crayon, sont stupéfiants de réalisme : des chefs d’œuvre !), de questionner son propre cheminement, de donner corps par le trait d’un crayon à ce qui l’a amenée, à 37 ans, à concevoir la possibilité de ne pas devenir mère. Pas forcément par choix. Parce que c’est ainsi, et que la vie ne réalise pas forcément toutes nos aspirations, tant notre destinée est soumise à nombre de facteurs dont nous n’avons ni les tenants, ni les aboutissants. Fatalisme ? Non. Pessimisme ? Pas plus. Un constat tout simple, déconcertant de vérité.

On sent au fil des pages et des dessins la revendication d’une femme à ne pas être déconsidérée par les autres parce que peut-être elle ne sera pas mère. Qu’est-ce qui définit une femme au carcan de mère ? Ne dit-on pas bien souvent que les mères tendent à regretter les femmes qu’elles étaient avant ? Ne peut-on concevoir une (ré-)conciliation entre toutes ces figures complémentaires qui définissent, simplement, la féminité, sans qu’un rôle prédomine ? Ou, pour le moins, considérer que le fait d’être mère n’est pas la définition ultime (et absolue) d’une femme.

Une douce mélancolie traverse le roman graphique. On sort de sa lecture ému par cette mise à nu qui questionne le vide et le plein d’une vie de femme. A ne pas réduire à son seul ventre, voilà tout…


Je pense que j’en aurai pas, Catherine GAUTIER, éditions des EQUATEURS, 2025, 132 pages, 22€.

2 réflexions au sujet de “« Je pense que j’en aurai pas », Catherine Gauthier : l’heure du choix (ou pas)”

  1. Et dans cette société actuelle, que j’ai du mal à comprendre, on manque souvent d’empathie envers ceux ou celles qui « ne font pas comme tout le monde »… et où les femmes ne sont pas comprises. Un grand fossé s’est creusé entre les générations, encore plus grand qu’avant !
    Merci pour ton analyse, je prends note !

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