
Emmylou ne rêve que de deux choses : fuir sa Bretagne natale (enfin, le trou paumé et triste à mourir qui sert de décor quotidien à son spleen d’adolescente) et devenir journaliste. Se sentant prise au piège d’une vie étriquée, auprès de parents laborieux dépourvus de toute fantaisie, l’ailleurs ne peut qu’être meilleur.
Aussi, lorsque l’occasion lui est donnée de devenir jeune fille au pair en Angleterre, Emmylou y voit le passeport pour sa liberté. Adieu Plouhernec la morose, hello Londres la prometteuse cité.
« C’est l’occasion de me présenter différemment, d’être une autre moi. » (p.25)
Il faut dire que la famille qui a engagé la jeune fille, les White, assume une opulence flagrante. Emmylou découvre un autre monde, d’autres mœurs. Si ses débuts se révèlent enchantés, les lendemains déchantent : Monica White fait clairement comprendre à la jeune Française qu’elle est certes là pour s’occuper des deux enfants, le petit Simon et son si fragile frère Lewis, mais que les corvées ménagères priment tout autant. Et c’est sans gants qu’elle accule Emmylou à la servilité.
La jeune fille au pair ne bronche pas. Elle a trop besoin de ce précieux sésame anglais pour passer son concours de journaliste. Alors elle serre les dents et obtempère. A défaut de l’accepter, on la tolère.
Le récit aurait pu s’arrêter là. Que nenni. Emmylou découvre une propension plus qu’étrange de la famille à prier. Au début, elle considère qu’elle est chez de fervents croyants. Mais les prières et les rites semblent obscurs et elle perçoit qu’on lui cache sciemment une part inhérente du quotidien « spirituel » et moral de la famille. Un étrange sentiment d’inquiétude grandit peu à peu en elle, motivé par le constat qu’il est impossible de sortir de la propriété. Ce protectionnisme familial est-il volontaire ? Pourquoi se murer ainsi dans un cocon certes doré mais teinté de zones d’ombre certaines ?
« Je suis coincée dans une maison coincée dans une résidence coincée dans un pays étranger. Captive. Comment partir, retrouver mon chez-moi, celui que j’ai tant exécré, que j’ai tant voulu fuir ? Je regrette tout, laissez-moi rentrer. » (p.214)
Emmylou n’a certes que dix-huit ans, mais elle pressent que ce qui se passe chez les White n’est pas d’une probité éclatante. Les faits s’enchainent, s’accumulent, se complètent. Jusqu’à la résolution du puzzle, dont la jeune fille est une pièce maîtresse.
« Plus je fouille, plus je chute. Plus je cherche, plus j’ai peur. » (p.185)
Et pour nous lecteurs d’enchaîner les pages, mus par le même désir qu’Emmylou de découvrir l’envers du décor de sa famille d’accueil. L’esclavage moderne perdure, c’est un fait. Ce que l’on découvre dans le récit dépasse l’horreur de cette pratique.
On n’en dira pas plus. Découvrez cet excellent roman de Sidonie Bonnec, à qui l’on reconnaîtra une fort jolie plume.
La fille au pair, Sidonie BONNEC, éditions ALBIN MICHEL, 2025, 314 pages, 21.90€.

Il me faisait déjà de l’oeil, je vais donc y poser mes deux yeux, c’est certain.
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Hâte d’avoir ton retour 🙂
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Moi aussi, direct dans la PAL !
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Tu vas te régaler ! 🙂
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