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« Elle est revenue », Ainslie Hogarth : spectre dispensable

Abigail vit un mariage heureux avec le beau Ralph. Mais, parce que Laura, la mère de ce dernier, tend à vieillir péniblement, le couple s’installe chez elle. La cohabitation est passablement difficile, Laura n’hésitant pas à tacler sa belle-fille de remarques insidieuses dès que cela lui est possible. Abby, conciliante par amour pour son mari, fait le dos rond.

Le spleen gériatrique de Laura lui est fatal, aussi décide-t-elle de se suicider. Libération absolue pour Abby, qui se réjouit déjà, une fois le « deuil » fait, de pouvoir enfin vivre librement et construire à son tour sa propre famille, tant le désir d’enfant lui est cher.

Il lui faudra cependant attendre un peu avant de souffler : le « fantôme » de Laura réapparaît dans la maison. Des souffles, des grincements, des piétinements : aucun doute n’est possible, et ce n’est pas Ralph qui se plaindra de cohabiter avec le spectre de sa mère. Pour lui, la vie s’est arrêtée avec celle de sa mère, et rien ne semble lui faire quitter la chambre de la défunte.

« Et maintenant, elle est morte. Et la maison, bien que devenue la nôtre, paraît aussi malsaine et dangereuse que sa mère a pu l’être. » (p.32)

Mais l’emprise est maudite, et la belle-mère d’Abby se révèle être aussi démoniaque morte qu’elle ne l’était en vie. Sentant que son mari lui échappe et avec lui tant la perspective de s’affranchir de la toxicité de Laura que la possibilité d’aller de l’avant, la jeune femme fomente mille et un plans.

« Personne ne souhaite se retrouver nez à nez avec un fantôme, si ? Encore moins avec celui de sa belle-mère, d’ailleurs. La femme qui a d’abord colonisé le cerveau de votre mari avant de dresser des barrières autour de lui à l’aide des pouvoirs occultes de l’au-delà. Sympa. » (p.120)

Si elle pouvait espérer trouver du réconfort auprès de la vénérable Mme Bondy, l’une des résidentes de la maison de santé dans laquelle elle travaille, cette douceur quotidienne auprès d’une « mère (ou d’un « bébé »…) de substitution » menace de lui être ôtée par la cupidité d’une fille « réapparue » comme par enchantement dans la vie de sa mère afin de rogner sur le pécule chaque jour grignoté un peu plus par l’établissement.

Ainsi, malmenée par le spectre d’une belle-mère toxique et menacée d’être privée d’une confidente quasi-maternelle pour laquelle elle nourrit une très forte affection, Abby est en perte de repères, elle qui a souffert d’être négligée par sa propre mère.

« Personne n’est au courant, personne ne sait qui je suis vraiment, personne ne sait qui est vraiment Ralph, ni ce que nous devons affronter à la maison : un fantôme, un démon, des ténèbres en jachère à l’intérieur de nos crânes, aucun d’entre nous n’ayant plus vraiment envie de ce monde. » (p.254)

Cette thématique ainsi résumée pourrait sembler passionnante (et j’y ai cru, parole de lectrice en général enthousiaste et bienveillante, vous commencez à me connaître maintenant), mais elle sera pondérée par le (presque) profond ennui qui a accompagné ma lecture tout du long : l’improbabilité de ce fantôme vengeur qui hante la demeure, l’exorcisme final totalement irréaliste, les nombreux pas de côté narratifs superflus (cette exégèse autour d’un saumon en gelée sur tout un chapitre…) qui tendent à dessiner la personnalité borderline de notre protagoniste m’ont fait soupirer d’ennui et d’agacement. Le manque de crédibilité grandissant jusqu’à l’acmé horrifique du dénouement est sans doute assumé. Pour moi, il scelle le souvenir périssable de ce récit.


Elle est revenue, Ainslie HOGARTH, traduit de l’anglais (Canada) par Michael Belano, éditions 10/18, 2025, 320 pages, 16.90€.

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