Bonheur de retrouver l’écriture si délicate, si incisive et si fluide de Laure Mi Hyun Croset dans ce petit récit de 2019 !

La pop-corn girl qui donne son nom au roman est la jeune Emma qui, à 16 ans, a quitté sa Suisse natale pour dix mois d’échange dans une famille et un lycée de l’Illinois. Son objectif premier ? Perfectionner son anglais et découvrir la vie à l’américaine. Son objectif second ? Perdre sa virginité, idéalement avec un beau sportif populaire du lycée.
« Elle avait quitté son pays parce que plus rien ne l’intéressait. Elle décida de ne pas bouder le dépaysement qui s’offrait à elle. Il y avait quelque chose de rafraîchissant dans cette candeur qui semblait être partagée par tout le nord d’un immense continent. » (p.14)
« Le prestige d’être européenne face à la séduction sophistiquée des Américaines, un peu vulgaires mais tellement sexy, ne tenait pas la route, surtout quand l’objectif non avoué de cette année d’échange, bien avant la découverte de soi par le biais d’une autre culture, était de perdre son pucelage, lequel lui collait à la peau comme le sparadrap. » (p.31)
Forte de ces ambitions, Emma découvre que les clichés et autres stéréotypes de la vie aux États-Unis s’avèrent fondés : deux télévisions pour que chaque membre du couple puisse passer sa soirée tranquille ; une quantité orgiaque de nourriture industrielle stockée dans des frigos XXL pour une ingurgitation tout aussi démesurée ; des clivages sociaux et ethniques vifs et vivaces au lycée pour mieux ériger la suprématie des quaterbacks et autres cheerleaders…
« Le monde était bien fait. L’école était une grande agence de rencontres qui rendait les fins de semaine follement désirables. » (p.65)
En quelques jours, notre Pilgrim girl du XXIeme siècle découvre une culture, une mentalité et un mode de vie qui, à bien des égards, lui font regretter la vieille Europe. La terre de l’oncle Sam, socle initiatique pour une adolescente en devenir ?
Laure Mi Hyun Croset propose un petit roman d’apprentissage exquis : au final, les premiers pas d’Emma tiennent sur quelques semaines (sous-entendu : on aurait souhaité mille et une pages encore pour découvrir une suite certainement riche en possibles !) mais c’est assez pour saisir la quintessence de l’esprit américain. Et c’est en cela que j’aime, que j’adore la plume de l’écrivaine : sa prose est « pleine », en ce sens où chaque mot cible et enrichit ce qui doit être dit. Justement. Incisivement. Parfaitement.
Pop-corn girl est un récit à écouter avec l’excellent Popular, titre de Nada Surf (idée certaine pour une prochaine chronique sur SUN…) en bande-son pour saisir l’enjeu de ce que le groupe tacle très justement dans son titre, et fer de lance de la jeune Emma : « The Teenage Guide To Popularity« .
Emma atteindra-t-elle ses objectifs ?
« les plus beaux rêves étaient ceux qui restaient intacts, ceux qu’on ne réduisait pas à l’épreuve de la réalité. » (p.45)
Pop-corn girl, Laure MI HYUN CROSET, éditions BSN PRESS, collection Uppercut, 2019, 73 pages, 10€.
