Un simple dîner en apparence. Etienne a souhaité convier Rémi, son ami de toujours, et son épouse, la brillante Johar. Aux fourneaux, Claudia, discrète et timorée kiné souvent reléguée dans l’ombre de son compagnon.
Et pourtant, personne n’a envie de figurer à ce dîner. Claudia se sent tellement mal à l’aise lorsqu’il s’agit de mondanités : elle ne sait que dire, ne sait que faire, sinon que de paraître empotée et godiche. Terrorisée par le charisme et la poigne d’Etienne, elle devient toute tremblante auprès de lui : qu’est devenu leur amour après une conquête sans relâche au prix de laquelle le séduisant avocat a brandi le trophée humain auprès duquel il comptait se ranger ? Claudia fait pâle figure. Leur relation est-elle un mirage ? Un leurre, sans doute…
« elle se demande si elle parviendra un jour à résoudre cette contradiction : elle voudrait se rendre invisible, et pourtant elle leur en veut terriblement à tous de la rendre invisible. » (p.34)
Etienne, lui, trépigne : sa tête est prête à tomber s’il n’obtient pas de l’influente Johar un marché lucratif. Obséquieux, manipulateur : il est ce soir prêt à tout, même à renier les rudiments les plus élémentaires de l’amitié, pourvu que le marché devienne sien. Et dire que son avenir dépend d’une femme issue de l’immigration : il n’a plus qu’à ravaler sa fierté…
Rémi et Johar ne sont pas en reste : leur amour s’est étiolé au-fur-et-à-mesure de l’ascension professionnelle exceptionnelle de madame. Pas le seul sacrifice : il faut aussi compter ceux de l’enfant aussi, de la famille, des racines. Alors Rémi a trouvé de l’affection ailleurs, autrement. Et ce soir il n’a plus envie de mentir, de lui mentir à elle, de se mentir à lui… Quant à Johar, hissée au sommet à la force de son courage, de sa détermination et de ses renoncements, l’heure est au choix également. Avec tant de conséquences à la clé.
Au carrefour entre l’intime et le social, le privé et le professionnel, ce dîner est tendu d’avance. L’atmosphère étouffante de cette fin d’été couplée à l’étuve qu’est devenu le riche appartement d’Etienne après des heures de cuisine annoncent l’incendie à venir : chacun se consume intérieurement pour ne pas exploser et ne pas dynamiter ce qui est devenu d’une fragilité de papier. Dans ce huis-clos pesant, y a-t-il un salut possible à espérer pour chacun des protagonistes ? Qui trouvera la force de s’emparer de la bulle d’oxygène salvatrice et s’affranchir du carcan dans lequel il / elle s’est laissé enfermer ?
Ce dîner est peut-être un jeu de massacre ouaté, mais pour nous lecteurs c’est un régal !
Un simple dîner, Cécile TLILI, éditions CALMANN LEVY, 2023, 179 pages, 18€.
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Merci pour ce joli retour ! Il me tente beaucoup !
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