A dévorer !

« Ne vois-tu rien venir ? », Amélie Antoine : LE roman coup de poing sur le harcèlement scolaire

Un uppercut. Une claque. Pas assez de mots (un comble !) pour vous partager ce roman coup de poing sur le harcèlement scolaire que propose, avec talent, avec justesse, Amélie Antoine. Un récit lu en apnée en 24 heures, le cœur au bord des lèvres, le ventre noué, tant l’écriture nous fait plonger, de concert avec l’élève harcelée, dans l’enfer quotidien des brimades, des insultes, des moqueries.


Orlane vient de quitter Toulouse avec sa famille dans le but de redémarrer une nouvelle vie ailleurs, en espérant que sa mère, une infirmière qui ne compte pas ses heures, puisse retrouver goût à la vie. En ce premier jour de rentrée en 3ème au collège des Horizons, c’est justement pleine d’espoir qu’elle compte se faire de nouveaux amis, les épater avec son talent pour les tours de magie, et tout simplement créer un nouveau cercle social.

Seulement, Sarah Mariani, élève de 3ème elle aussi, règne en reine absolue sur les quatre-cents élèves du collège. Un geste d’elle, un regard, un mot, et vous pouvez soit avoir la vie sauve, soit être condamné à souffrir. Bien évidemment, bêlent autour d’elle ses fidèles moutons, bien trop apeurés d’être un jour les victimes de Sarah. Alors, pour contenter une despote de quatorze ans, tous se taisent, tous abondent en son sens. Sarah domine, autour d’elle on la respecte et on la craint. Gare à celui qui oserait la défier. Ou seulement y penser.

« Je ne suis pas n’importe qui. Je suis populaire, et il est hors de question, absolument hors de question que ça change. » (p.11)

« Être populaire et faire partie des filles qui sont respectées et admirées, c’est du boulot ; et maintenant que je suis en troisième, j’ai bien l’intention de profiter de cet avantage. » (p.15)

Or, lorsque Sarah s’approche le jour de la rentrée d’Orlane, cette dernière pense de suite à une initiative de bienvenue. Que nenni : très rapidement, Sarah enchaîne les humiliations envers sa camarade. Ses idées sont sans limite, ses actes à l’encontre d’Orlane de plus en plus ignobles, et elle ose même imaginer des plans pour entrer dans la sphère familiale d’Orlane. Rien n’est jamais assez pour rabaisser Orlane. La jeune fille subit, se soumet, ne dit rien. Muselée par la terreur. A-t-elle le choix ? Le peut-elle ? Oh, elle a essayé, mais de suite on l’a rabrouée : qui est-elle pour oser se rebeller alors que l’on « s’amuse » juste un peu ?

« Cette année, c’est Orlane qui a obtenu direct le rôle de la strange de la classe. Moi, je ne l’aurais peut-être pas particulièrement remarquée, mais, dès la rentrée, Sarah l’a choisie. Parce qu’elle l’a trouvée faible, fuyante, pitoyable. C’est un peu comme les tributs dans Hunger Games ; il faut que quelqu’un paie, que quelqu’un se sacrifie pour que les autres aient la vie sauve, c’est comme ça. » (p.34)

Orlane s’enferme, peu à peu. En elle, elle hurle. Pas d’échappatoire. Son téléphone, elle est obligée de l’éteindre : trop de messages haineux qui se déversent chaque soir au retour du collège. Pourquoi toute cette haine déversée contre elle ? Qu’a-t-elle fait ? Que leur a-t-elle fait ? Sa famille n’y voit que du feu : Orlane, petite magicienne en devenir, camoufle d’un terne sourire ce mal-être qui grandit en elle. La dictature de Sarah et de ses sbires a progressivement raison de sa vie, de sa survie mentale et émotionnelle… Jusqu’au point de non-retour ?

« Il paraît que quand on se noie, il faut se laisser couler jusqu’à atteindre le fond et pouvoir donner un bon coup de pied pour remonter à la surface. Mais il faut faire quoi, quand on a le sentiment qu’on n’aura jamais fini de descendre dans les profondeurs et qu’il y aura toujours plus, toujours pire ? » (p.81)

Ce roman d’Amélie Antoine est ESSENTIEL et devrait être lu par tout élève de collège, de lycée et tout membre d’une communauté éducative. Il alerte, sensibilise et démontre les mécanismes de l’emprise en milieu scolaire. La construction, astucieuse, fait alterner les chapitres entre la harceleuse (Sarah) et la harcelée (Orlane). S’y glissent parfois quelques pages de dépositions des proches… On découvre que la despote en herbe a elle aussi ses failles et que diriger ses foudres contre plus faible qu’elle est un gage de sécurité. On comprend comment l’envie de vivre quitte progressivement une ado dont le quotidien est rythmé par la violence physique, verbale, psychique. Ce récit est un cri d’alerte : trop d’élèves sont victimes de harcèlement, avec toutes les problématiques que cela engendre (comment le voir ? comment alerter ? comment agir ?). Tout reste à faire, sans doute. Mais en 2023, enfin, la France a compris l’enjeu de réagir, et donc, en germe, d’agir. Une nécessité vitale. Parce que pour un certain nombre d’ados, il est déjà trop tard.

Emparez-vous de ce roman, offrez-le aux ados autour de vous. Donnez-lui vie, corps, écho ! Là est peut-être notre rôle à nous de lecteurs. Merci.


Ne vois-tu rien venir ?, Amélie ANTOINE, éditions SYROS, 2024, 299 pages, 15.95€.

3 réflexions au sujet de “« Ne vois-tu rien venir ? », Amélie Antoine : LE roman coup de poing sur le harcèlement scolaire”

  1. On ne devrait pas avoir à écrire ou lire ce livre. Malheureusement, ce danger existe et les futurs cours d’empathie annoncés ne changeront rien, à mon avis.
    Tant que l’éducation parentale sera aussi laxiste et fabriquera des enfants despotes et dangereux, ce problème de société perdurera. On en parle mais on ne trouve pas de solution !
    Je comprends que tu n’aies pas de mots…

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