A dévorer !

« Féminicide », Pascal Engman : mourir d’être femme…

Point besoin de circonvolutions pour évoquer la thématique de ce récit enfiévré et haletant : deux femmes sont assassinées dans la ville de Stockholm. La première venait de rompre avec son petit ami, un type violent, alors incarcéré en prison ; la seconde est la compagne illégitime d’un présentateur télé adulé par tout le pays. Simple vendetta personnelle d’hommes refusant d’être éconduits par des femmes ? Tout porte à le croire, ou en tout cas les preuves qui incriminent les pseudo-coupables.

Mais ce serait trop simple, forcément. D’autant plus qu’une voix féminine parvient, malgré l’affreuse agression dont elle a été victime, à innocenter le petit ami de la première victime.

Ce roman se lit comme un thriller, bien évidemment. Pourtant, le réduire à cela serait une nouvelle fois trop simple. En effet, derrière chaque agression et au détour de quelques chapitres savamment intrigants, se devine peu à peu une haine viscérale d’hommes envers les femmes. Une misogynie assumée, revendiquée, d’hommes qui subissent pour certains un célibat involontaire, d’autres qui cultivent une consommation matérialiste et sexuelle de la femme… Dans tous les cas, la haine, viscérale, du sexe féminin.

« Il ne voulait pas haïr les femmes, mais cela devenait de plus en plus difficile. La société leur avait donné tant d’avantages, des privilèges auxquels lui en tant qu’homme ne pouvait que rêver. Les femmes étaient indispensables à la société, à la survie de l’humanité. Un homme n’était nécessaire que pour l’acte sexuel. Après, il pouvait tout aussi bien mourir. » (p.251)

L’arrière-plan du récit est donc violent et dérangeant car il questionne la domination des hommes sur les femmes dans une ère de revendications légitimes d’un sexe peut-être enfin appelé à être qualifié de « fort ». Tout se passe comme si cet avènement des femmes, libres et insoumises, devait être contrebalancé par un déchaînement absurde de forces testostéronées. D’où ces drames, terribles, nés de ce déséquilibre, qui ponctuent le réel, et pas seulement la fiction. Quand les hommes se sentent menacés dans leur virilité, gare aux Amazones qui osent les défier.

« C’était la faute du monde occidental. Il faisait partie des perdants. Un de ces hommes blancs et inutiles, moqués et ridiculisés chaque jour par les femmes qui écrivaient dans les journaux. […] Elles se présentaient comme les opprimées qui se défendaient. Mais qui avait le plus de pouvoir ? » (p.307)

« ce qui allait suivre maintenant, c’était une vengeance. Contre les femmes qui lui avaient refusé l’accès à leur corps, contre les hommes lâches qui s’étaient moqués de lui, contre la Suède, contre le monde entier. » (p.344)

Féminicide est donc aussi et surtout peut-être un roman social, un roman engagé qui dénonce le sort de ces femmes malmenées par des hommes à l’ego mal placé…


Féminicide, Pascal ENGMAN, traduit du suédois par Catherine Renaud, éditions NOUVEAU MONDE, 2024, 443 pages, 22€.

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