A dévorer !

« Confessions d’une chroniqueuse littéraire », Littéraflure : ô miroir, mon beau miroir… sans tain

Attention, petite bombe jubilatoire ! Que je redoutais d’ouvrir autant que je l’attendais avec impatience. En effet, « Littéraflure » est le (brillant) pseudonyme d’une chroniqueuse littéraire, écrivaine plutôt prolifique protégeant son anonymat lorsqu’elle devient critique. La particularité première de cette chroniqueuse : attribuer, selon des critères précis qui jugent autant le fond que la forme, des couteaux ou des roses (allant de 1 à 3). Piquant, on est d’accord. Le deuxième signe distinctif de « Littéraflure », c’est de parler sans langue de bois : c’est cash, parfois dur, mais TOUJOURS argumenté. On peut ne pas être d’accord avec elle (il m’est arrivé de me sentir vexée d’avoir accordé mon admiration pour un roman qu’elle descendait deux semaines après : avais-je mal lu le récit ? Etais-je trop bienveillante ? Pas assez critique ?), mais on ne saurait aucunement lui reprocher son intégrité morale et critique. Au contraire, aujourd’hui, c’est même signe de bravoure.

« Passé ma stupeur et ma déception, ma décision est prise, je vais créer un compte Instagram qui proposera de vraies critiques littéraires. Argumentées, pondérées, réfléchies, avec des objectifs non avoués : rendre justice aux textes qui méritent plus d’attention, identifier les auteurs prometteurs, démasquer les usurpateurs et les opportunistes qui bénéficient de trop d’indulgence et, face à cette pléthore de publications, proposer un tri, exprimer des préférences pour que les lecteurs puissent s’orienter. » (p.14-15)

Alors, dans Ces confessions que « Littéraflure » propose, j’y ai vu un miroir qu’elle nous tend à nous lecteurs, chroniqueurs, blogueurs… mais aussi éditeurs, auteurs (j’arrête les rimes en « -eur », ou je cours le risque d’être accusée de pauvreté stylistique). Je vais être honnête : tout du long, je me suis dit « Où est-ce que je me situe dans cet état des lieux lucide, sans concession, du microcosme littéraire ? ». Moi, professeur de français avec un peu plus de cinq cents abonnés sur Instagram, le même chiffre sur Facebook, je ne pèse pas lourd du tout… Et pourtant, je persiste : l’envie de partager les livres que j’aime, d’en faire une critique argumentée qui questionne une thématique, un genre, une écriture. Mes chroniques sont souvent élogieuses. Point par complaisance, mais parce que je prends soin de sélectionner mes lectures en amont. Alors je suis rarement déçue. Mais il est vrai que les quelques abandons m’amènent à une retenue critique, polie et policée, de ces romans qui me tombent des mains. « Littéraflure » assume la critique, même négative. J’en prends note car, au final, on peut aussi aspirer à s’affranchir de la bienséance bookstragrameuse.

Et voilà que je parle de moi, alors que je suis supposée vous parler de cet excellent manifeste qui fera sans doute grincer nombre de dents. Mais je me reconnais tout simplement dans nombre de faits que souligne avec ironie « Littéraflure » : oui, j’enrage de voir que des pseudo-écrivains de piètre qualité narrative et stylistique engrangent plus d’abonnés en 6 mois que moi en 2 ans ; oui, je trouve consternant ces concours qui consistent à faire exploser les chiffres de nombre de pages lues / de tel récit lu pour telle thématique dans une course effrénée à la compétition ; oui, je m’étonne de ces influenceuses littéraires qui cartonnent en nombre d’abonnés mais ne publient finalement quasiment aucune critique. Pour quoi ? Pourquoi ?

« Littéraflure » assume et revendique une intégrité littéraire admirable. Son style lapidaire dénonce les manigances économiques de l’édition, déplore que certains chroniqueurs vendent leur âme au dieu argent, regrette que des écrivains au talent réel, évident, soient relégués dans l’ombre, sans guère d’espoir d’en sortir un jour. Autant de miroirs tendus pour nous y voir, mais aussi scruter derrière eux l’envers du décor : se rendre compte de nombreux paradoxes peu reluisants qui tendent à mettre en péril la noblesse des lettres. Un constat factuel désabusé.

« Au fil du temps, Bookstagram est devenu le « The Voice » du monde littéraire, un espace où les apprentis écrivains fabriquent leur notoriété pour attirer l’attention des éditeurs. » (p.39)

Merci « Littéraflure » pour ce pavé dans la mare littéraire, de papier ou de réseaux (en réseau ?). Je continuerai à redouter vos posts, tout en les considérant comme une leçon d’esprit critique : une liberté de ton assumée, parfois cinglante, mais, parce que soumise à un effort d’objectivité d’analyse évident, forcément recevable. Le refus de la complaisance.

« Cinq ans après le début de cette aventure, je constate que je suis restée fidèle à mes principes : ni bienveillance hypocrite, ni préjugés, ni conformisme ambiant. » (p.29)

Cette chronique sera-t-elle considérée comme trop indulgente ? Je ne le pense pas. Je ne l’espère pas. Mon petit blog qui compte pour un petit pois dans l’univers Bookstragram continuera à revendiquer ses choix de lectures, ses critiques pensées et réfléchies pour problématiser ce que la littérature nous offre à chaque proposition d’écrivain : « Un roman est un miroir qui se promène sur une longue route », disait Stendhal. Merci « Littéraflure » de nous donner à voir ce et ceux qui se cachent derrière ce miroir que vous-même vous nous tendez…


Confessions d’une chroniqueuse littéraire, LITTERAFLURE, 2024, 98 pages, 7.38€.

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