A dévorer !

« La prof », Freida McFadden : les leçons dangereuses

Petit plaisir assumé et franchement délectable : s’emparer du dernier roman de la prolifique romancière Freida McFadden. D’aucuns parleront d’une littérature facile, et sans doute n’auront-ils pas tort, mais il s’agit de reconnaître à l’écrivaine un talent évident pour tenir ses lecteurs en haleine, en usant de stratagèmes à l’efficacité redoutable. Citons les cliffhangers bien pensés à la fin de chaque chapitre, la multiplication des voix narratives qui donne au texte une épaisseur certaine. Bref, Madame McFadden maîtrise l’art de la narration, alors ne boudons pas notre plaisir, et tant pis si nous délaissons un peu les considérations stylistiques !

Mais quelle est cette prof qui donne son titre au nouveau roman de l’Américaine ? Il s’agit de Mme Bennett, austère professeur de mathématiques d’à peine trente ans, que tous les élèves craignent pour sa sévérité. Elle a pour époux le beau Nate, qui lui enseigne l’anglais dans le même lycée qu’elle. Seulement, nombre d’élèves s’étonnent de ce mariage, tant leurs personnalités diffèrent : empathie et bienveillance de Nate unanimement appréciées ; froideur et distance cultivées par Eve. Cette discordance est bien réelle dans leur vie privée et Eve soupire d’ennui chaque soir, délaissée par son mari au profit de la poésie. Alors, elle compense en achats compulsifs de chaussures toujours plus sublimes, toujours plus chères, au grand dam de son époux.

Lorsque Nate entreprend de défendre une élève que tous deux ont en commun, Eve tique. En effet, il s’agit d’Addie Severson, une jeune lycéenne qui a valu à un collègue d’Eve et de Nate d’être démis de ses fonctions l’année précédente, alors que l’élève a toujours plaidé l’innocence de celui qu’elle considérait comme son protecteur. Mais le mal est fait : le professeur très apprécié des élèves du lycée est parti, et Addie se retrouve seule, isolée et malmenée par des camarades qui lui en veulent et lui collent une réputation dont elle sait qu’elle ne pourra jamais se défaire, quand bien même elle lui a été attribuée à tort.

Aussi, lorsque Nate Bennett perçoit en elle une fibre poétique évidente, Addie n’ose croire en sa chance : enfin quelqu’un la considère pour ce qu’elle peut vraiment être. Si elle peine à accorder à son professeur sa confiance, elle comprend qu’avec lui tout peut devenir possible. Mais Nate ne court-il pas le même risque que son précédent collègue en prenant sous son aile cette jeune orpheline de père ?

« Tu m’as redonné la vie. Tu n’as pas idée de la monotonie de mon existence avant que tu n’arrives. » (p.202)

« Elle est diabolique. Non, pas seulement diabolique. Elle est mauvaise comme les méchants des dessins animés. » (p.258)

Eve Bennett depuis le début considère la jeune Addie comme une menace. Le fait que son élève soit nulle en maths ne l’aide sans doute pas à lui accorder une grande estime. Mais son intuition l’invite à mettre en garde son mari. Certes, leur couple s’étiole lentement mais sûrement, cependant elle n’est pas non plus prête à ce que son mari succombe à la tentation de l’interdit.

« je ne vais pas non plus devenir amie avec cette fille. Elle a de la chance que Nate croie en elle, car Dieu sait que ce n’est pas mon cas. » (p.183)

Couple, emprise et figure de Pygmalion, tels sont les thèmes de ce roman, dans lequel les personnages fonctionnent souvent par paires narratives, soit en duels (bien souvent), soit en duo (plus rarement). On sourira de l’invraisemblance passablement niée du dernier retournement de situation mais on applaudira la trouvaille de la jolie pirouette finale qui boucle la ronde – chaotique – des personnages,

Un bon moment de lecture, que je ne renierai point.


La prof, Freida McFADDEN, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Forestier, éditions CITY, 2025, 391 pages, 22€.

5 réflexions au sujet de “« La prof », Freida McFadden : les leçons dangereuses”

Laisser un commentaire