
Mon écrivain britannique contemporain préféré publie son nouveau récit, et c’est un bonheur que de partager ma lecture.
Marnie est une Londonienne pur jus, une « fille de la ville », mais qui vit seule, désespérément seule. Divorcée et sans enfant, elle a vu ses amis s’éloigner pour créer leur propre famille. Alors, Marnie vit à la périphérie des gens, et peut-être même des choses…
« Finalement, la solitude était plus effrayante lorsqu’elle arrivait parce que quelque chose vous était arraché. » (p.295)
Originaire de York, Michael, de son côté, est un professeur de géographie passionné par sa matière. Heureusement qu’il peut compter sur son métier et sur ses marches, interminables, pour oublier le naufrage de son mariage.
« […] désormais la vie qui leur avait échappé, une vie sur laquelle il aurait voulu pouvoir tirer un trait en même temps qu’il souhaitait la récupérer. » (p.154)
Entre les deux protagonistes, une amie commune, la pétillante Cléo, qui ne trouve rien de mieux que de proposer une randonnée de groupe afin de traverser les centaines de kilomètres qui séparent les deux côtes Nord de l’Angleterre. Bien évidemment, l’idée est de favoriser les rencontres des uns et des autres et de regrouper autour d’elle des célibataires éligibles à l’amour. Au mieux, de belles idylles naîtront ; au pire… chacun se dire au revoir sans regret aucun.
« Ce genre d’expérience concentrée n’était pas sans périls, et elle n’était toujours pas sûre de savoir à quels périls elle faisait allusion, une question qui lui avait coûté des heures de sommeil et qui lui semblait aussi insolite que le soleil sur son visage. » (p.214)
Les débuts sont laborieux : si Michael est un habitué de la randonnée, il n’en va pas de même pour le reste du groupe, qui très rapidement ressent les premières douleurs des longues marches. La météo, capricieuse (typiquement anglaise ?) n’aide en rien. Si Marnie tente de lier connaissance avec les uns et les autres, et en particulier le beau Conrad, Michael lui se mure dans le silence. La fréquentation des autres, quels qu’ils soient, lui est pénible.
Pourtant, la marche a la vertu de délier les langues, et la magie (même sous un ciel gris à mourir) peut opérer. Bien évidemment, on comprend que l’enjeu est d’espérer que les deux âmes esseulées que sont Marnie et Michael se rencontrent, vraiment. Mais entre instants manqués, maladresses et raisons personnelles, tout est remis en question. Chaque jour de la randonnée signe un nouveau départ, au sens propre comme au sens figuré. Libre à eux de bien le prendre, ou non. Et la volonté, et le désir, de s’immiscer ; et de grandir, enfin…
« et il pensa combien il l’appréciait, combien il était content que leurs chemins se soient croisés, littéralement croisés ! » (p.180)
David Nicholls a l’art de plonger dans la psyché de ses personnages. Avec ce nouveau roman, il revient à l’âge adulte avec des protagonistes blessés par la vie, qui questionnent leur légitimité à être dans ce monde où les relations interpersonnelles sont célébrées avec emphase. La solitude ne fait pas rêver, le spleen non plus. Mais David Nicholls narre, tel un conteur, la possibilité de re-vivre, d’être de nouveau au monde et avec le monde. Et nous lecteurs de savourer chaque petit indice signifiant d’une étincelle de vie, d’espoir.
« Chacune de ses approches était suivie d’un retrait nerveux, comme on s’éloigne d’un feu d’artifice qui crachote. » (p.223)
Les points de rencontre peuvent être géographiques. David Nicholls nous fait la démonstration que la rencontre peut aussi se vivre dans le coeur, pourvu que l’on veuille bien y laisser cheminer le flux des instincts, des envies, des désirs…
Rendez-vous ici, David NICHOLLS, traduit de l’anglais par Sarah Tardy, 2025, 411 pages, 21.90€.
Un immense merci aux éditions BELFOND pour l’envoi gracieux de ce roman attendu avec une vive impatience !
