A goûter

« Août », Sophie Lasserre : torpeur, langueur, longueurs…

Parenthèse littéraire pour un mois estival pas si éloigné de nous que cela avec Août, court roman qui couvre plusieurs semaines du-dit mois, en Espagne on le devine à un moment donné, dans une maison en pierre plombée par une chaleur implacable.

Charlotte y consume son ennui dans une inertie assumée. Elle ne s’occupe guère de ses deux garçons, qu’elle reconnaît ne pas vraiment aimer, regrette amèrement le troisième bébé qui s’est niché dans son ventre, et redoute chaque jour l’arrivée de son mari Jacques et de ce qu’il ramène de la ville, ou de la vie. Les nuits surchauffées la privent de sommeil et Charlotte accumule les insomnies.

Alors, chaque journée se répète à l’identique de la précédente : une solitude assumée, une indifférence affichée pour ses enfants, des cafés à n’en plus finir, des cigarettes brûlées sans compter, une torpeur contemplative à peine ponctuée par des essais avortés pour poursuivre son travail d’écriture.

« Disparaître. Charlotte avait su l’impossibilité d’être rejointe dans cette absente à la vie. Dans un ailleurs sans identité. Où Charlotte ne serait plus ni mère ni épouse. » (p.25)

Tout semble s’être arrêté autour de Charlotte, emprisonnée, consciemment ou non, dans une bulle que l’on devine toxique. Ainsi, des indices nous sont glissés en filigrane mais aucunement développés : on nous parle d’une « maison détruite », de relations familiales compliquées entre Charlotte et ses parents. Quel enjeu ? Des embryons narratifs tués dans l’œuf, et c’est bien dommage.

Août se pare d’un certain intérêt lorsque un couple d’amis, Jeanne et Charles, viennent passer quelques jours auprès de Charlotte et de Jacques. Las : les dialogues entre Charlotte et son ancienne meilleure amie sont d’une pauvreté consumée, notre protagoniste affichant une inimitié quasi-muette. Car elle a compris ce qui lie Jacques et Jeanne depuis dix ans mais n’en a jamais soufflé mot. Un adultère caché par ses acteurs, consenti sans doute par son observatrice, qui quémande pourtant incessamment à Jacques de l’aimer, sans pudeur aucune et avec une avidité déconcertante.

« Les amants restent toujours des amants. Il faut s’y faire. Que ça ne change pas, que ça ne s’arrête pas de recommencer à s’aimer, des amants. » (p.48)

Alors, on referme ce court roman quelque peu interloqué : que nous dit le texte de cette étrange héroïne, à laquelle on peine à s’attacher ? Est-elle pétrie de folie ou folle de désespoir ? Nous n’avons que bien peu de prise sur elle, et la complaisance à répéter à l’envi les mêmes motifs tout du long n’aide aucunement. Le personnage de Charlotte est insaisissable et le récit tout autant, par des choix narratifs déroutants et dont la pertinence pose question… A bien des égards, elle tiendrait d’une héroïne antique aux propos sibyllins ; mais n’est pas une Antigone ou autre figure mythologique féminine et féministe qui veut…

« Tout le temps je voudrais partir. Je ne suis pas folle. Ou peut-être par moments. Mais ça ne dure jamais bien longtemps. Mais la folie, c’est toi qui me l’as donnée. C’est à cause de toi. C’est parce que l’on reste. » (p.53)

Août est derrière nous : ainsi le sera ce roman dans ma mémoire de lectrice…


Août, Sophie LASSERRE, éditions GALLIMARD Collection L’ARPENTEUR, 2006, 88 pages, 12€.

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