A croquer

« Laisse couler l’amour… et ton coeur débordera », Pascal Fioretto, Joséphine dos Santos

Vous n’êtes de toute évidence point habitués à lire de tels titres sur le blog, reconnaissables entre mille (par leur déconcertante longueur, souvent sirupeuse) car emblématiques d’une certaine littérature adulée par des milliers de lectrices pour ses vertus « apaisantes », son humanité et ses bons sentiments. Des romans trop souvent jugés « faciles » à lire par une certaine critique mais qui, sans doute, méritent qu’on salue la capacité de leurs auteurs (très souvent autrices : coucou Agnès Martin-Lugand, Mélissa Da Costa et autres consœurs !) à faire lire, à mettre du baume au cœur par une simplicité revendiquée.

« Après ça, je me plonge dans les livres qui me plaisent vraiment, ceux de toutes ces écrivaines généreuses qui ne comptent pas leurs pages. » (p.23)
« mes histoires font du bien, mais elles manquent un chouïa d’ambition littéraire et c’est peut-être vrai qu’elles ne font pas franchement avancer la condition humaine, ni celle des femmes. » (p.114))

C’est cette littérature que Pascal Fioretto et « Joséphine dos Santos » parodient dans ce roman qui s’amuse des ficelles du genre. Le point de départ : Josy, vendeuse dans un magasin de vêtements en train de péricliter, se meurt d’amour pour son beau patron. Une chute dans la réserve la propulse dans une sphère temporelle où elle se retrouve dans la peau de… Joséphine Dos Santos, écrivaine ultra-célèbre pour ses romans feel-good.

« En clair, Mme dos Santos a eu accès à une autre dimension de l’espace-temps dans laquelle elle n’était pas l’immense écrivaine qu’elle est ici et maintenant, et elle doit donc réapprendre à vivre sa vie dans notre univers comme si elle venait d’y débarquer. En recommençant de zéro… » (p.68-69)

Pour Josy, c’est un rôle de composition : elle adore l’écrivaine, mais découvre que l’envers du décor n’est pas si idyllique. Mépris de l’intelligentsia parisienne, quête d’une réelle crédibilité pour dissiper cette illusion de facilité…

« Les couvertures, surtout celles des livres en édition de poche, sont toutes magnifiques, débordant de couleur et de photos d’animaux craquants et d’yeux pleins d’amour en gros plan. Comment peut-on avoir honte de toute cette beauté ? » (p.73)

Et le roman de proposer ses meilleures pages, entre deux rires hyperboliques (et il y en a pléthore) : invitée au « Grand Book », Joséphine-Josy se retrouve prise en otage notamment entre Camille Laurens, Marie Darrieussecq. Ça s’écharpe, ça se tacle, et on se régale de ces duels d’egos.

Le pastiche ne tacle alors plus seulement la littérature feel-good : chaque représentant des lettres peut au final être largement épinglé et devenir lui aussi un cliché.

Intelligent, mordant, cette parodie littéraire se savoure. Heureusement d’ailleurs que l’on sait dès le début que l’entreprise sera ironique, car je n’aurais pas supporté l’énormité des clichés, enfilés en perles pour les besoins de l’entreprise.

Retenons que pourvu qu’on lise, sans doute devons-nous faire fi d’une hégémonie littéraire exigeante.


Laisse couler l’amour… et ton coeur débordera, Pascal FIORETTO, Joséphine dos SANTOS, éditions du CHERCHE MIDI, 2025, 196 pages, 19€.

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