A dévorer !

« Bilan de compétences », Charles Coustille : lettres ou ne pas l’être

Charles est professeur de français, « Titulaire en Zone de Remplacement ». Le hasard de Tinder l’amène à matcher avec une certaine Emma B., professeur d’espagnol dans un petit collège provincial : une coïncidence flaubertienne trop belle pour être ignorée, ces deux là doivent donc se rencontrer. C’est alors devant un épisode du programme de télé-réalité « Mariés au premier regard » que leur premier rendez-vous est fixé : qui sait, l’expérience des uns pourrait se transformer en réalité pour les autres…

Las, à défaut d’une idylle amoureuse passionnée et passionnelle, leur relation ne sera que professionnelle : Charles et Emma sont et resteront collègues. Néanmoins, la passion rêvée de Charles se meut en quête littéraire flamboyante, à laquelle Emma, de son vrai prénom Emmanuelle, participe volontiers : et si Emma Bovary avait, en 1838, participé à « Mariés au premier regard », avec quel homme de la littérature française aurait-elle eu le plus de compatibilité ? Et le duo d’enquêter à travers les meilleures pages flaubertiennes, balzaciennes et zoliennes pour déterminer LE match parfait. Lecteurs férus de littérature, on se régale, et on comprend vite que notre protagoniste met plus de cœur à compiler les romans classiques que les copies de ses élèves de 4ème, remisées dans un coin poussiéreux de son appartement.

Ici se joue la truculence du récit de Charles : on a là un professeur en totale inadéquation avec l’Éducation Nationale (les meilleures pages sont celles qui narrent les tourments administratifs de la carrière d’un enseignant du public) mais qui brille, que dis-je ! qui excelle par sa culture littéraire (en cela, il est nécessaire d’avoir une bonne culture pour savourer ce roman). Attachant et désespérément irrécupérable, Charles se perd dans les pages de sa vie, encore à écrire, et de celles de grands auteurs français (Barthes, Péguy, d’Urfé), qu’il aimerait faire siennes. Stendhal a dit que le roman est « un miroir que l’on promène sur une grande route » : le cheminement de papier de notre héros se rêve, s’imagine mais peine à se confronter à la réalité vraie, âpre, égoïste. Une fuite en avant dans la littérature pour mieux échapper à sa condition ? Charles ne sera point le premier, ni le dernier. Mais si les lettres nourrissent l’âme, quel feu animera enfin son cœur ?

Petite pépite littéraire inédite !


Bilan de compétences, Charles COUSTILLE, éditions GRASSET, 2025, 183 pages, 18.50€.

2 réflexions au sujet de “« Bilan de compétences », Charles Coustille : lettres ou ne pas l’être”

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