
Stewie Rome vit une retraite paisible d’élu. Après plusieurs mandats en tant que maire d’une bourgade américaine, Stewart sombre peu à peu dans l’oubli général. Mais son esprit et ses souvenirs ne le laissent guère en paix : toute sa vie durant, un épisode traumatique de sa jeunesse l’a hanté. Le poids de la culpabilité ? Dans l’enchevêtrement de souvenirs plus ou moins confus, le narrateur avoue ses doutes : a-t-il été ou non un acteur du drame qui a secoué sa ville alors qu’il avait quinze ans ?
« Comment j’en étais arrivé là ? Pourquoi est-ce que j’étais aussi parfaitement seul? » (p.207)
Nous sommes en 1967. Masha Kucinzki est une jeune immigrée polonaise que les autorités relèguent elle et sa famille dans le « Village », sorte de ghetto où s’entassent les immigrés de toutes origines. Affublé d’une très mauvaise réputation, le Village est considéré comme le lieu de toutes les perditions et de tous les parias indésirés. Pourtant, la jolie Masha fait tourner les têtes lorsqu’elle entre au lycée : douce, attentionnée, il n’en faut pas plus pour que les garçons la courtisent avec plus ou moins de finesse.
Alors qu’il ne s’y attend pas, c’est Stewie qui est élu par Masha. Une tendre relation naît entre eux, et la jeune fille ne cache pas ses intentions plus osées. De quoi faire ricaner les comparses de Stewie, Doyle et Murphy, deux mauvaises graines souvent fourrées dans les mauvais coups.
« Si j’avais su à quelles extrémités conduirait bientôt notre innocente parade… Mais n’est-ce pas l’ironie de la vie ? » (p.123)
Ce qui ternit la douce idylle de Stewie avec Masha, c’est de savoir que la jeune fille s’est amourachée l’été dernier d’Emmett, un camarade black que Stewie a trahi par le passé pour sauver sa place à l’école. Or, Emmett est toujours dans les parages et cela hante le quotidien de Stewie. Il faut dire que la haine raciale est très forte dans la petite ville et « casser du Noir » est monnaie courante.
Lorsqu’en ce samedi d’octobre Masha Kucinzki est retrouvée sauvagement poignardée et violée, il est facile d’accuser Emmett et de le rendre coupable du meurtre de la jeune Polonaise. Mais est-ce vraiment lui qui a commis l’indicible ? Pourquoi Stewie, devenu maire, a-t-il pris la peine de brûler toutes les archives de ce fait divers sordide ?
Tout le récit de Richard Krawiec questionne le rejet et la peur de l’exclusion. Ainsi, nombreux sont les « parias » dans le roman : les étrangers et immigrés, les afro-américains, mais aussi les Blancs entre eux et la peur d’être stigmatisé pour telle ou telle raison et être exclu du « groupe » pseudo-bien-pensant.
« Ce jugement nous appartient. L’univers, lui, ne juge pas. Il donne les thèmes. Nous les concrétisons, les explorons, opérons des variations, des changements, des reconfigurations en fonction des tenants du pouvoir, de ceux qui déterminent ce qui est bien et mal, qui sont les gentils et qui sont les méchants. Qui est accepté. Qui est un paria. » (p.40)
Paria apporte un éclairage assez édifiant sur la mentalité propre aux petites villes américaines des années 60 : peur et violence se mélangent et seule compte la loi (ou la voix) du plus fort. Une « suprématie » longtemps érigée comme norme et qui questionne, encore aujourd’hui, la quête souvent aveugle de chacun pour appartenir au groupe, pourvu que l’on soit intégré. Quitte à renier ses valeurs et ses convictions. Au final, le résultat n’est pas vraiment glorieux, et telle est la leçon qu’en retire le narrateur du récit.
« J’allais devenir le paria, l’exclu, la cible de toutes les railleries dans la rue, et ma peau s’écaillerait pendant que je traverserais la foule qui me conspuerait. » (p.91)
Le lecteur quant à lui doute jusqu’au bout du rôle qu’a pu jouer Stewie Rome. Une chose est sûre : il n’est (ironiquement) pas tout blanc…
Paria, Richard KRAWIEC, traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Recoursé, éditions 10/18, 2020, 237 pages, 8€.

J’adore le petit cadeau Mes petits lus ! Sinon, je note ce livre ! 😉
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Je pense que ce sujet est toujours d’actualité dans ce pays. La peur des autres, des différences raciales, etc… rien ne sera résolu avant longtemps dans les mentalités.
Idem en Afrique du Sud où Mendela a tenté de résoudre ces problèmes raciaux et où la vie est devenue pire qu’avant. Les Blancs y vivent dans des quartiers sous très haute surveillance et derrière des barbelés ! Cela me révolte au plus haut point…
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