A dévorer !

« Dans la maison d’été », Karine Reysset : en famille

Bienvenue dans la maison secondaire de la famille Reiss. Rose, la matriarche, l’a achetée avec l’héritage de ses parents trop tôt disparus dans un accident de voiture, à un vieil oncle défunt pour en faire un pied-à-terre destiné à accueillir toute leur famille, à elle et à son bien-aimé Albert. Un coup de tête peut-être, mais un coup de cœur surtout pour cette immense villa idéalement située au Pouliguen, station balnéaire ligérienne au charme évident, et surtout plus discrète que sa voisine bauloise.

La résidence accueille ponctuellement Rose et Albert à partir de 1980, entre deux allers-retours à Paris. Mais bien vite, Les Hortensias deviennent la demeure principale des grands-parents. Les charmes de la villégiature se pérennisent, au grand bonheur de leur descendance.

« En peu d’années, la maison était devenue un lieu de retrouvailles et de rendez-vous, de festivités et de partage. » (p.112)

Pourtant, comme dans toute famille, les Reiss connaissent leur lot de chagrins : les bébés que le Ciel rappelle trop tôt à lui ; les couples qui volent en éclats ; les ramifications familiales dont les liens se distendent ; le deuil de ceux qui disent adieu à la vie, délibérément ou non… Et puis se superposent les événements de l’Histoire : les élections politiques qui saisissent d’effroi tout un pays ; un virus qui le fige… La petite histoire des uns raconte aussi celle des autres.

Certes les Reiss ont leur part de malheurs, mais ils connaissent aussi les bonheurs de la vie, aussi simples soient-ils, comme un petit déjeuner tous réunis ou une partie de plage entre cousins. Et le plus important : transmettre aux nouvelles générations ce culte de la famille en ce fief immuable… ou presque. Que faut-il pour qu’une famille résiste aux déferlantes des années ?

« Que de chemin il nous reste à parcourir pour apprendre à nous détacher les uns des autres. » (p.253)

Karine Reysset raconte quarante années de la vie d’une famille, ou plutôt des multiples existences d’une même famille. Dans cette merveilleuse saga, riche de nombreux chapitres et d’autant de points de vue des différents membres de la famille, elle interroge le poids de la filiation : que transmet-on à ses enfants ? Que retient-on de ses parents ? Que taire ? Que révéler ? Les fantômes du passé côtoient les protagonistes du présent et questionnent les mirages du futur : pas toujours aisé de se construire, puis de s’imbriquer dans la cohérence d’un puzzle génétique complexe.

« Je suis entourée de fantômes, je les côtoie depuis longtemps. » (p.72) « Tant de fantômes rôdent en ces lieux. J’ai un pincement au cœur en pensant à chacun d’eux. » (p.305)

Dans tous les cas, l’écrivaine célèbre la richesse de la famille, aussi imparfaite soit-elle. On retiendra que chaque membre grandit, qu’importe son âge, porté par les uns et les autres, que ce soit dans la déconstruction du modèle proposé ou la revendication, à l’inverse, d’un ADN à chérir précieusement.

Beau, touchant, riche : une bien belle saga, narrée avec délicatesse et intelligence.


Dans la maison d’été, Karine REYSSET, éditions FLAMMARION, 2024, 520 pages, 22€.

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