A dévorer !

« La fille du miroir », Cathy Borie : fissures

Charlotte a aimé. Beaucoup aimé. Jean, son amour de jeunesse. Jim, son fils chéri. Martin, l’amant maudit. Charlotte a tout autant souffert : l’abandon, le deuil, la violence avec ces figures masculines et les autres, silhouettes passagères du récit qui ont toutes éprouvé l’endurance à aimer d’une jeune femme meurtrie dans sa chair de maîtresse, de fille, de mère…

« C’est moi qui pars, mais ce sont mes rêves qui me lâchent, en même temps que mes idées sur l’Amour plus grand que tout, plus fort que le passé, plus beau que la vie moche. » (p.14)

Lire le parcours de vie de cette héroïne de papier, c’est accepter d’être secoué par l’injustice qui frappe de son malheur, régulièrement mais avec une ponctualité consternante, une jeune femme malmenée dès lors qu’elle prétend profiter de la quiétude d’un bonheur que l’on ignore être éphémère, fugace. Un acharnement du destin à accabler de la privation ou de coups une protagoniste qui ne demande qu’à aimer vraiment. Y a-t-il corrélation entre des événements pourtant distincts mais qui se lisent comme un entrelacement de figures qui se font écho ?

« Pourquoi ? Pourquoi ? Certaines nuits, épuisée de chercher un sommeil qui ne venait plus, je répétais cette question cent fois, mille fois, croyant encore dans mon chagrin immense qu’il y avait une réponse quelque part, un grand ordre souverain qui décidait des évènements avec logique et rigueur, et qu’à force de l’interroger dans le noir j’obtiendrais un débit d’explication, une raison même stupide, une faute que j’avais commise » (p.129)

Le récit, morcelé entre le passé et le présent de Charlotte (aux urgences de l’hôpital le plus loin de la demeure de son bourreau), nous fait comprendre comment la jeune femme a cheminé pendant des années, entre destruction de ses fondations de cœur et reconstruction balbutiante pour oser aimer à nouveau. Être encore, et malgré tout.

« Est-ce que c’est ça qu’elle veut, elle ? Raconter ? Dire les coups ? Dire aussi les retrouvailles parfois si douces ? » p.80-81)

Le roman de Cathy Borie, totalement addictif, hautement tragique et résolument dramatique, questionne la possibilité de la deuxième chance, tous domaines confondus. Au final, le portrait d’une héroïne à fendre notre cœur de lecteur, tout en nuances et clairs-obscurs savamment orchestrés. Une claque comme la littérature sait parfois nous en donner. Merci.


La fille du miroir, Cathy BORIE, éditions REMANENCE, 2024, 227 pages, 16€.

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