A dévorer !

« La menteuse », Sophie Stava : coup de bluff

Lecture légère mais redoutablement appréciable que cette Menteuse, premier roman de Sophie Stavia, dans lequel on retrouve les ficelles maîtrisées du thriller domestique bien troussé.

Sloane est une menteuse patentée. Affabuler est chez elle une seconde nature, pour tout et pour rien. Sans doute une manière – dangereuse et maladroite – de se protéger ou d’acquérir une aura défaillante à bien des égards. Son parcours professionnel, d’ailleurs, l’a mise sur la touche pour une erreur éthique fatale : Sloane fantasme la vie des autres, c’est plus fort qu’elle. Alors, pour espérer devenir ces autres, tous les moyens sont bons. Quitte à mentir.

« C’est sans doute aussi pour ça que je mens : pour remplir les silences, empêcher les gens de partir. » (p.21)

« C’est juste que la vérité est tellement ennuyeuse. La modifier, en changer les détails, l’enjoliver, la pimenter, est une mauvaise habitude que j’ai prise enfant » (p.29)

Un bien indigne procédé dont elle use lorsqu’elle fait la rencontre de la petite Harper et de son père dans un parc. Une méchante piqûre d’abeille transforme Sloane en « Caitlin, infirmière » de son état. Tout le monde n’y voit que du feu, et très vite Sloane-Caitlin devient un membre à part entière de la famille Lockhart : la nounou d’Harper, la meilleure amie de Violet et la soupirante éperdue (et surtout secrète) du beau Jay. Tout en elle aspire à se fondre dans ce microcosme doré, quitte à se rêver être le double de l’élégante Violet. Une vie par procuration.

« Mais Violet n’est pas n’importe qui. Elle est fascinante et magnétique. Je pourrais la regarder toute la journée. » (p.124)

Cependant, des indices font comprendre à Sloane que tout n’est pas que dorure dans le couple et que des failles existent bel et bien. Mais quelles sont-elles ? Pour les découvrir, il faut attaquer la seconde partie du récit, cette fois-ci assumée par la voix narrative de Violet : et le jeu de se dévoiler. Comme au poker, le bluff est de mise, mais Violet maîtrise avec dextérité ses cartes… Peut-être que celle qui ment réellement et le plus efficacement n’est pas celle que l’on croit…

« Nous nous sommes tous menti les uns aux autres, n’est-ce pas ? » (p.312)

Je n’en dis pas plus. On se laisse happer par le récit, à la construction diabolique. On retiendra quelques thématiques porteuses, comme le poids du déterminisme social et parental dans ce que l’on devient ; les injonctions faites aux femmes et les carcans qui les emprisonnent dans des rôles clichés de mère ou d’épouse, qui à renier leur être profond… Une épaisseur certaine, donc, qui révèle que le vernis social le plus qualitatif n’est pas exempt de craquelures, aux conséquences parfois dramatiques…


La menteuse, Sophie STAVA, traduit de l’anglais (États-Unis) par Séverine Quelet, éditions LES ESCALES, 2025, 363 pages, 21.90€.

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