Mele Bart est une mère célibataire d’une trentaine d’années. Elle élève seule sa fille de trois ans, Ellie, depuis que le père de la petite, Bobby, l’a plaquée le jour où elle lui a annoncé qu’elle était enceinte, lui révélant qu’il était fiancé à une productrice de fromages.
Mele élève donc de son mieux Ellie. Pour sortir de sa solitude de maman célibataire, elle rejoint le CMSF : le Club des Mamans de San Francisco. Cependant, il lui est difficile de trouver sa place dans cet univers où les apparences de la maternité parfaite sont essentielles. Difficile de ne pas être jugée sur son appartenance sociale. Le microcosme de ses mamans au top rappelle à bien des égards les enjeux relationnels adolescents : à quel groupe s’affilier ? comment faire pour être avec LE groupe ? quels codes faut-il maîtriser pour être acceptée ?
Heureusement, Mele trouve un groupe de parents avec lesquels elle lie une véritable amitié. Ainsi, chacun se confie à elle sur les tracas de sa vie : l’un à propos de son couple à la dérive du fait de l’épouse adultère, l’autre de son mari absent, une autre encore de son fils de trois ans totalement dépendant et assisté. Chacun de ces récits inspire à Mele une recette, qu’elle concocte, telle une dédicace, à l’aide des ingrédients de la vie de chacun.
« Est-ce que j’apprécie les amis que j’ai maintenant ? De tout mon cœur. L’amitié est censée vous rendre plus fort, et non vous diminuer. Maintenant que je suis mère, mes relations amicales évolueront sans doute au fur et à mesure que ma fille grandira. Ce sont les enfants qui créent notre entourage. Pour le moment, j’ai Georgia, Barrett, Annie et Henry, c’est ma bande, et je ne sais pas ce que je ferais sans eux. » (p.198-199)
« C’était étrange de se dire que je connaissais les histoires qui se cachaient derrière chaque plat ; les autres ne connaissaient que la leur, et seulement leur version. » (p.290)
De fait, Mele adore cuisiner : c’est pour cela qu’elle a décidé de se porter candidate au concours de recettes culinaires organisé par le CMSF. Pour cela, elle doit aussi répondre à un certain nombre de questions afin de motiver l’originalité de sa participation. C’est alors l’occasion pour Mele de livrer sa vie, ses déboires, ses espoirs.
Le récit de Kaui Hart Hemmings est original car il alterne entre deux voix narratives : le questionnaire du concours est évoqué à la première personne, celle de Mele ; les récits des uns et des autres sont assumés par une autre voix, à la troisième personne. Ainsi, il est intéressant d’observer ce double mouvement qui permet de passer du personnage principal – Mele – à ses comparses. La multiplication de ces récits nous fait réfléchir à autant de parentalités possibles, à autant de regards critiques possibles. Une chose est sûre – et elle dépasse les apparences d’une pseudo-perfection maternelle de façade critiquée avec justesse dans le roman : le bon parent est celui qui essaie de faire de son mieux, qu’importe ses imperfections, du moment qu’il s’accomplisse en tant qu’un tout (parent – amant(e) – ami(e) – époux/se).
Le roman de Kaui Hart Hemmings est délicieusement frais : on rit et on savoure les anecdotes les plus outrancières (mais indubitablement avérées), on se délecte de la critique éducative incisive. A déguster, que l’on soit mère… ou pas !
La Guerre des mères, Kaui Hart HEMMINGS, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Mélanie Trapateau, éd. Denoël, 2018, 310 pages, 20€.
Roman gracieusement reçu du service de presse des éditions Denoël.