
S’il y a une chose que Juliette Descroix essaie d’éviter chaque année à tout prix, ce sont les retrouvailles annuelles de Noël au Chêne vert, fief familial sur lequel règne la despotique Odile. Intransigeante, peu encline aux démonstrations et autres effusions, le dragon maternel entretient chaque année les braises d’une inimitié latente entre sa plus jeune fille et elle. Il faut dire que toute la fratrie n’est pas logée à la même enseigne : Clémence, l’aînée si jolie, est adulée pour son parcours brillant depuis sa plus tendre enfance, tandis que Simon, le cadet si dandy, est l’artiste que l’on vénère et que l’on protège de toute contrariété.
« La plus coûteuse, la plus fatigante et pourtant la plus évidente, probablement : la pantomime familiale. » (p.33)
Difficile pour Juliette de trouver sa place alors qu’il apparaît que l’on lui laisse seulement quelques miettes. Célibataire, désespérément amoureuse du bellâtre égoïste qu’est le co-gérant du restaurant en voie de perdition dont elle tient, pourtant de main de maître, une cave renommée, la vie de Juliette n’est pas forcément rose bonbon.
« Elle était en déséquilibre, comme si elle doutait en permanence de sa légitimité à entrer dans une pièce, à parler à des gens, ou bien à exister simplement où que ce soit et pour n’importe quelle raison. » (p.11)
Mais, lors de la distribution des cadeaux de Noël, Clémence reçoit par erreur un cadeau qui signe une méprise involontaire d’Odile entre ses différents enfants. C’est pourtant là le point de départ d’un bouleversement général de l’ordre familial. Par conviction plus que par bravade, Clémence s’empare de ce cadeau qui n’était pas destiné à l’usage que sa mère pensait pour re-définir l’orientation de sa vie : par dévotion filiale, n’a-t-elle pas consacré sa vie à faire des compromis ? Quant au taiseux Simon, lui qui était rangé dans une case bien confortable d’artiste bohème, n’a-t-il pas œuvré à se rendre invisible, voire intouchable ? Pour cacher quoi ?
Juliette découvre sa famille d’un autre œil mais se complaît tout de même dans le constat désabusé de ses échecs, consommés jusqu’à la lie. Peut-elle avoir la force de sortir du cadre dans lequel on l’a enfermée depuis des années, tant professionnellement que personnellement ? Peut-elle se révéler à elle-même et puiser les ressources pour à son tour redessiner les contours de sa vie ?
« Pour quelle obscure raison sa famille doutait-elle sans cesse de sa parole ? Etait-ce lié au fait qu’elle était toujours pleine d’hésitations et qu’ils prenaient ses tâtonnements pour pour des preuves de mensonge ? Quoi qu’il en soit, c’était ainsi depuis toujours et, comme la déception maternelle ou ses insuffisances, elle avait appris à vivre avec. » (p.196)
Mélanie Guyard questionne, à travers le cas des Descroix, la tendance au catalogage propre à chaque famille : chaque entité y endosse un rôle, subi ou non, dépendant de tant de paramètres, souvent inconscients d’ailleurs. Des entraves certaines dont il faut tenter de se détacher pour devenir soi, sans redouter le regard le plus difficile à accepter et supporter : le regard de ceux que l’on aime le plus. Et l’indulgence, valeur clé pour avancer, de doucement s’immiscer…
« Et pourquoi pas ? Pourquoi pas moi, pourquoi les petites choses, et pas plus que ça ? Elle avait envie de se jeter à l’eau, parce que vivre enchaînée sans jamais rien espérer d »autre que des miettes n’était pas acceptable, même pour elle. » (p.216)
Ce récit n’est pas déplaisant à lire, mais déborde d’hyperboles pénibles et redondantes : « Maxime ne trouva pas la force de caractère nécessaire à éviter d’éclater de rire, jusqu’à en pleurer d’hilarité », « Max acheta des mangas et des animés jusqu’à ne plus pouvoir les porter », « Juliette poussa un soupir retentissant », « tout en répondant laconiquement aux douze millions de messages que sa mère laissait », « ils riaient comme des baleines »... Ainsi, le roman frôle les clichés du genre (…feel-good) et pondère ma critique en matière d’esthétisme littéraire. Idéal le temps d’un été… ou des fêtes de fin d’année en famille.
De si jolies boîtes, Mélanie GUYARD, éditions POINTS, 2022, 346 pages, 8.95€.

Les histoires de famille à la période de Noël… est un sujet récurrent, non ?😉
Si l’histoire est bonne, peut-être peut-on faire l’impasse sur les redondances !
Bel été de lectures diverses et variées !😎⛱
Je viens juste de terminer Intuitio de Laurent Gounelle, et j’ai apprécié…
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