A dévorer !

« Nos Espérances », Anna Hope : les amies, les meilleures

Nos espérancesHannah, Cate et Lissa forment un trio à l’amitié fusionnelle. Les deux premières se sont rencontrées sur les bancs de l’école, tandis qu’Hannah et Lissa ont fait connaissance à l’université. Scellé sur une rivalité initiale ou sur une attirance et une admiration immédiates, le socle de leur amitié née dans les années 90 a solidement résisté à plus d’une, voire deux décennies.

Aussi, en 2010, alors que les trois jeunes femmes ont dépassé les 35 ans, il est temps de faire un bilan. Celui-ci est plutôt en demi-teinte : si elle est très heureuse professionnellement, Hannah ne parvient pas à avoir d’enfant avec son mari Nathan, et les multiples FIV se soldent successivement par des échecs ; à l’inverse, Cate est devenue seulement quelques mois après sa rencontre avec Sam la maman d’un petit Tom. Cependant, elle ne s’épanouit guère dans son quotidien de maman et elle repense avec nostalgie à son amour de jeunesse, Lucy. Enfin, Lissa galère à vivre de son talent de comédienne, réduite à accepter de jouer dans des publicités commerciales à défaut de films d’envergure.

« Elle est creuse : il n’y a rien en elle, rien qui l’amarre, ni le talent, ni le succès. […] Elle n’est que la somme de ses échecs. » (p.166)

Au final, les forces des unes sont les faiblesses des autres, et le trio d’amies révèle une géographie relationnelle faite de pleins et de creux. Force est de constater qu’en 2010, c’est plutôt un constat d’inachèvement qui unit Hannah, Cate et Lissa : il leur manque quelque chose à toutes les trois. Or, est-ce dans la vie des deux autres qu’elles pourront combler leur(s) manque(s) ? Au final, le succès doit-il être un bilan à constater au présent ou l’espoir en un futur apaisé ? Les espérances du passé ont-elles le droit d’être renouvelées ou sont-elles à jamais entérinées ?

« Enfin, elle finit elle-même par s’endormir, et quand elle se réveille, que le monde s’assemble dans la lumière de l’aurore, elle comprend qu’il s’agit d’un monde nouveau – l’ancien a volé en éclats – et que ce monde nouveau fonctionne selon des mécanismes différents, des lois différentes. » (p.283)

Anna Hope nous offre avec une plume virtuose trois parcours de femme, parfois distincts, souvent entremêlés, que ce soit au moment présent ou dans le passé. Le futur peut-il encore être écrit à trois quand l’amitié est malmenée ?

« Il n’y a pas d’avenir à redouter, pas de passé à regretter, juste ça, juste une série de moments, en enfilade, pareils à des sphères lumineuses sur un fil » (p.227)

Nos Espérances est un récit qui questionne en premier lieu l’amitié : est-on une véritable amie lorsque l’on envie la vie d’une autre ? Quelles sont les limites de l’empathie en amitié ? La véritable amitié peut-elle pardonner des erreurs qui sembleraient irréversibles ? L’amitié peut-elle survivre à l’épreuve du temps ?

« Il faut s’accrocher à ses amitiés. […] Les femmes. Elles sont la seule chose qui te sauveront au final. » (p.75)

En second lieu, Anna Hope réfléchit à la maternité, avec Hannah et son désir inassouvi d’enfant, faisant face à Cate et sa grossesse imprévue. De même, chacune de nos héroïnes a un rapport bien distinct avec sa propre mère : Cate a fait le deuil de la sienne, morte d’un cancer alors qu’elle était adolescente, tandis que Lissa a dû grandir à l’ombre de sa mère Sarah, artiste activiste et farouchement indépendante.

Roman d’une femme qui parle merveilleusement de femmes auxquelles il est aisé de s’identifier, Nos Espérances est une ode narrative au temps qui passe, au don et au pardon, tant en amitié que dans la maternité. Beau, bouleversant et juste.

« Elles ont encore la majeure partie de leur vie devant elles. Elles ont fait des erreurs, mais rien de fatal. Elles ne sont plus jeunes, mais elles ne se sentent pas vieilles. La vie est encore malléable et pleine de potentiel. L’entrée des chemins qu’elles n’ont pas empruntés ne s’est pas encore refermée. Il leur reste du temps pour devenir celles qu’elles seront. » (p.17)


Nos Espérances, Anna HOPE, traduit de l’anglais par Elodie Leplat, éditions Gallimard, 2020, 353 pages, 22€.

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