Au quotidien, les incivilités sont nombreuses et les esclandres en sont souvent la conséquence fâcheuse. S’il est un lieu qui concentre le champ des possibles dérapages, c’est bien le métro parisien.
Hugo Boris l’a bien compris. Aussi, pendant plus de quinze ans, il a consigné dans ce qu’il nomme son « herbier » métro-anthropologique des instantanés vus, entendus, vécus dans le métro ou le RER. Il ne s’agit pas forcément toujours d’incivilités ou de provocations faites par des petits caïds ou des clochards avinés. Parfois, c’est un échange grave ou un silence évocateur, mais qui en dit bien plus long que des cris.
« J’herborise donc, dans le métro, chaque fois que je prélève de fines tranches de réel pour rendre compte de la diversité du monde, témoigner de la richesse inépuisable de ce fameux voyage de la Madeleine à la Bastille. J’herborise encore lorsque je voudrais guérir de ma lâcheté en tirant une tisane des vaillances dont j’ai été témoin, même discrètes. » (p.13)
Spectateur plutôt qu’acteur – le reconnaissant d’ailleurs avec une certaine culpabilité -, Hugo Boris questionne la capacité d’autrui, lorsque la situation le demande (ou le demanderait) à intervenir, à oser défendre, se défendre, prendre la parole, se taire, rester, persister, regarder…
Ces incidents, qui ne durent pas plus du temps d’une rame bien souvent, révèlent le rapport éternel dominant / dominé. Néanmoins, l’herbier d’Hugo Boris tend à prouver que les apparences sont souvent trompeuses et que le courage ne vient pas forcément de qui on l’attendrait.
« Comment vous dire ? Quelqu’un comme moi, en temps de guerre, ne pourrait pas survivre. » (p.69)
Ce récit est, pour moi, un miroir tendu au lecteur : sommes-nous « les autres » qui auraient le courage d’agir, dans des situations similaires ?
Un texte délicat qu’il est bon de lire en cette période qui réactualise cette valeur fondamentale qu’est l’altruisme.
Le courage des autres, Hugo BORIS, éditions Grasset, 2020, 169 pages, 17€.