
Stéphane, Élisabeth et Maëva quittent Paris pour tenter de repartir sur de nouvelles bases familiales et se donner une nouvelle chance. Il faut dire que le couple a été passablement ébranlé par l’adultère de Stéphane, conduisant tout droit son épouse à une anorexie sévère.
Alors, la perspective d’une nouvelle vie à la campagne, où Élisabeth pourra se livrer à sa passion pour la peinture, semble idéale. Et tant pis si Stéphane doit se coltiner des heures dans le RER ; tant pis si Maëva peste contre ses péquenots de camarades.
« Car c’était son idée à lui, la réparation qu’il proposait à Élisabeth pour effacer les fautes commises et repartir sur de nouvelles bases » (p.18)
Seulement, ce nouvel équilibre est très rapidement mis à mal lorsque Maëva commet une grosse bêtise au collège envers un camarade, et s’amourache en même temps de Ritchie, un grand Black rescapé de la coque de migrants d’où sa mère et son frère n’ont pu sortir vivants… Maëva connaît son premier grand amour avec ce camarade de classe. Mais tant sa bêtise que Ritchie déclenchent l’ire de Stéphane et la culpabilité d’Élisabeth. Sans le savoir, c’est là le point de départ d’une nouvelle scission familiale, chacun étant lourdement impacté dans ses choix personnels présents et à venir. Mais le sceau du secret fait loi, et chacun cache son jeu aux autres.
« Et en coulisses, ça dégueulait dans la nuit, ça pleurait sous la couette, ça fuyait de tous les côtés. » (p.48)
Le dénouement, horrifiant, scelle l’ironie générale du destin de ces entités familiales projetées les unes contre les autres, projetées les unes loin des autres, selon les forces telluriques du désir, aussi malsain soit-il.
Carine Joaquim signe un récit d’une grande force, dans l’intimité d’une cellule familiale en apparence paisible, mais au final bousculée par des aspirations individualistes contraires à l’épanouissement général. Car même les apparences ne peuvent sauver l’authenticité des sentiments…
« Elle n’en pouvait plus de cette mascarade interminable. Depuis dix ans, elle jouait le rôle de l’épouse satisfaite et de la mère heureuse, mais qui y croyait encore ? » (p.187)
Famille, désir(s), amour, vérité et mensonge, handicap et migration sont les thèmes clés d’un roman qui questionne l’altérité, qu’elle soit lointaine ou finalement la plus proche de nous. Et, finalement, l’étranger n’est pas celui que l’on croit…
Nos corps étrangers, Carine JOAQUIM, éditions de La Manufacture de livres, 2021, 233 pages, 19.90€.
C’était le fameux slogan des années 70: « Familles, je vous hais ». Ce n’était pas pour rien.
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D’accord avec le précédent commentaire !
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Votre blog est passionnant. Je voudrais m’abonner mais je n’y arrive pas.
Merci de m’aider.
Aline Tastet
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