
La jeune Lucy annonce à sa famille qu’elle se marie avec Tom dans une semaine. Immédiatement, branle-bas de combat pour ses sœurs Eve et Margot, sa mère Kit et son père Ted. Seulement, ce qui s’annonce comme un événement heureux laisse planer le risque certain de tensions entre les différents membres.
Ainsi, Kit ne peut pardonner à Ted, le père de ses filles, de l’avoir quittée pour une voisine, avec laquelle il file le parfait amour. Elle, l’écrivaine brillante à la renommée mondiale, se heurte depuis des années à la page blanche, ne parvenant pas à surmonter les traumatismes du passé.
Margot, la plus jeune des sœurs, exilée volontaire à Édimbourg, rechigne à revenir sur les terres de son enfance, au Sud de l’Angleterre, dans le domaine vivifiant et naturel de Windfalls. Sa mère lui en veut terriblement pour un acte commis alors qu’elle avait seize ans, mais jamais elle n’a pu s’expliquer là-dessus, rendant le pardon impossible.
« Il n’est jamais simple de revenir chez ses parents : on a vite fait de se sentir dépouillé de tout ce qu’on est devenu. Pourquoi, dès la porte franchie, est-on renvoyé au passé et envahi par sa personnalité d’autrefois ? Comme si le fait de pousser la porte familiale était déjà une régression, en soi. Elle se sonde et découvre que malgré ses espoirs, le mal est toujours là, intact. Il est enfoui profondément, caché sous des couches protectrices savamment empilées, mais présent, et actif, tout au fond. La douleur, la honte battent toujours sourdement en elle. » (p.99-100)
Eve, l’aînée, semble la plus accomplie, mère de famille de deux enfants, menant de front vie familiale et vie professionnelle. Mais la saturation guette, et les tentations d’aller voir ailleurs sont fortes…
Au final, le mariage de Lucy tend à cristalliser les problématiques de chacun, et tous redoutent la confrontation inévitable qui va découler des festivités, aussi réjouissantes s’annoncent-elles. Tous espèrent que Margot ne fera pas d’esclandre, que Kit gardera pour elle l’animosité qu’elle rumine à l’encontre de sa rivale et de son éternel amour…
« Le week-end qui s’annonce l’inquiète : en les réunissant, le mariage va faire remonter de vieux souvenirs, de vieilles querelles, de vieilles blessures. » (p.65)
Le mariage peut-il se passer sans nuages ? Pourquoi Lucy a-t-elle d’ailleurs précipité son mariage ? La famille peut-elle espérer faire table rase du passé, et Kit pardonner à Margot l’acte innommable qu’elle a commis ? Margot peut-elle espérer apaiser les démons de son histoire ?
« Il va y en avoir, des gens qui feront des efforts ce week-end ! » (p.140)
Le Chant de la rivière est un fantastique récit, à bien des égards poétique – le motif de la Nature et de la rivière représentant, pour chaque personnage, un point d’ancrage qui les unit au final tous. Le roman s’organise selon un décompte, jour après jour, jusqu’au mariage, faisant ainsi sentir les tensions grandissantes jusqu’au D-Day. Mais, entre ces journées, rondement menées par les différents protagonistes de la famille, s’intercalent des chapitres qui retracent la genèse de l’histoire de Kit et de Ted, ainsi que du moment où Margot est partie en vrille. De fait, tous les fils narratifs du passé et du présent convergent ainsi astucieusement jusqu’au dénouement du roman, créant une tension qui va crescendo.
Les thématiques sont celles que j’affectionne : relations sociales, cellule familiale, résilience, mais aussi le rapport à la création artistique, la rivalité au sein d’un couple dans lequel chacun de deux membres tente de concevoir une œuvre.
« Ce qu’elle a vécu lui a ôté toute confiance, parce qu’elle sait ce qu’on risque. Emprisonnée par ce qui lui est arrivé, elle ne parvient pas à échapper à son traumatisme. » (p.266)
Au-delà de cela, Hannah Richell invite la réflexion des non-dits dans une famille : cela vaut-il le coup de faire exploser le microcosme familial à cause de secrets, de rancœurs et d’amertume ? N’y a-t-il pas des alternatives pour éviter les conflits et profiter de ceux que l’on aime tant qu’on le peut ?
« Peut-être serons-nous d’autant plus heureux d’être ensemble en sachant qu’aucun de nous n’est éternel. » (p.322)
Vous l’aurez compris, ce roman est d’une grande richesse, et je me suis délectée de chaque page. Un très beau moment de lecture, que je vous souhaite de pouvoir découvrir à votre tour.
Le Chant de la rivière, Hannah RICHELL, traduit de l’anglais (Royaum-Uni) par Florence Hertz, éditions BELFOND, 2021, 396 pages.
Un immense merci aux éditions Belfond pour leur envoi gracieux de cette très belle découverte littéraire.
Toujours intéressant (pour moi) ces relations familiales, avec ses secrets, ses problèmes jamais évoqués, dans une tension palpable lors des réunions de famille !
Bien sûr, je l’ajouter à ma PAL😉
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