
Cette chronique vous fait retrouver la sympathique famille Cazalet, que vous aviez découvert lors d’une précédente chronique. Nous l’avions quittée à l’orée de la Seconde Guerre Mondiale, nous la retrouvons en septembre 1939 et la suivons jusqu’à l’hiver 1941.
« Le monde entier est sans doute en train de sombrer lentement, alors ne compte pas sur moi pour m’apitoyer sur le sort d’Allemands que je n’ai jamais rencontrés. » (p.229)
Une nouvelle fois, la petite histoire rencontre la grande Histoire. Ainsi, alors que le Blitz plonge l’Angleterre dans le tourment et l’inquiétude, et que les citoyens font consciencieusement chaque soir le black-out, Rupert, le plus jeune des fils Cazalet, est sur les mers tandis que son frère Edward est en mission sur terre. Le ciel vrombit de noirs corbeaux et chacun s’habitue aux sirènes qui alertent d’une nouvelle attaque. Londres vacille, de bombe en bombe.
A Home Place, dans le Sussex, chacun tente de vivre dans ce quotidien réinventé. Bien souvent, c’est l’ennui qui guette les plus jeunes, alors que les adultes s’affairent pour préparer des conserves ou prévoir des trousseaux de vêtements. Le tourment n’est d’ailleurs pas seulement celui de la guerre : Sybil, la femme de Hugh, l’aîné des Cazalet, tombe malade et n’a d’autre solution que de se faire opérer à Londres ; Villy, sa belle-sœur, tente de succomber aux sirènes de la tentation amoureuse autre que maritale ; quant à Louise, sa fille, ses premiers émois amoureux sont aussi tâtonnants que ses premiers pas dans son école de théâtre…
« Le problème, c’est qu’il ne se passe pas grand-chose ici, à part les repas, les leçons et les gens qui se tracassent pour le black-out et écoutent les nouvelles, toujours assez ennuyeuses. » (p.178)
Ce n’est là qu’un petit échantillon romanesque des différentes trames narratives qui filent à la perfection, une nouvelle fois, le récit d’Elizabeth Jane Howard. Il est certain que la joie de vivre a disparu de tous les personnages. Même les sorties à Londres sont pondérées par un élément qui vient noircir l’enthousiasme premier. Un pessimisme grandissant, que les nouvelles de la guerre ne font que confirmer au milieu du roman.
« Quand quelque chose est très inquiétant, on s’imaginerait que les gens en parleraient davantage, mais pas dans notre famille – chez nous, on fait l’autruche. » (p.247)
Plus que jamais, on a là une saga dans toute sa splendeur. Même quelle saga ! La complexité des liens se densifie avec l’intervention de nouveaux personnages, riches de leur histoire et de leur parcours. A chaque fois, la psychologie des uns et des autres est fouillée, et on admire la dextérité littéraire de l’écrivaine à passer d’un adulte à une adolescente, pour revenir à une vieille fille amoureuse…
Notons de nouveaux choix narratifs également : dans ce tome, on y découvre des lettres, mais aussi des extraits du journal de Clary, la fille de Rupert, ce qui permet une nouvelle approche, un autre angle de vue, encore plus intimiste.
Le tome 3 de la saga, Confusion, est sorti en mars. J’assume mon retard, et le découvrirai certainement cet été. Dans tous les cas, on savoure, à chaque page, l’immense qualité de cette œuvre.
A rude épreuve, La saga des Cazalet tome 2, Elizabeth Jane HOWARD, traduit de l’anglais par Cécile Arnaud, collection Quai Voltaire, éditions de La Table Ronde, 2020, 571 pages, 24 euros.
J’ai ce second tome dans ma PAL et ton avis me donne envie de l’en sortir mais j’ai besoin d’être réellement dans le bon ‘mood’ pour savourer pleinement cette magnifique œuvre.
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