A croquer

« Douze jours sans toi », Elvira Sastre : mise à l’épreuve amoureuse

L’amour chevaleresque n’a rien perdu de sa superbe. Après tout, chaque relation n’est-elle pas une mise à l’épreuve de l’endurance amoureuse de l’un ou de l’autre membre du couple ? Les chaos de la vie, les tourments intérieurs et les bouleversements de l’histoire ne questionnent-ils pas la ténacité de quiconque aime ou est aimé ?

« Quand avons-nous oublié que ce qui requérait quelques efforts mais nous rendait heureux valait la peine de se battre ? » (p.123)

Ces questions, Gael et Dora, sa grand-mère, se les posent, certes inconsciemment, à travers leur parcours respectif, tout en sachant que, telle une démarche testamentaire, Dora semble s’adresser à son petit-fils en lui racontant son passé, ses choix, ses enseignements. Ainsi, les douze chapitres qui composent ce récit touchant font alterner les voix et les temporalités de deux générations, unies par une affection sans borne.

Gael, sculpteur et professeur à ses heures, tombe fou amoureux de Marta, son modèle. Mais cette dernière, fougueuse et presque insaisissable, met à mal l’équilibre d’un couple pourtant fusionnel dans ses ébats et son amour. Dora, elle, évoque l’amour interdit avec un de ses élèves lorsqu’elle a débuté le professorat, dans la délicate transition entre la République espagnole et le franquisme.

« L’être humain a la manie stupide de contraindre et de proscrire du haut d’un faux autel moral, s’imaginant ainsi investi d’un pouvoir auquel il aspire, mais qu’il ne possédera jamais. » (p.33)

« Je m’investissais dans mon art à la manière de Dora et, comme elle, l’amour m’avait surpris en plein travail. » (p.43)

Tant Gael que Dora vont éprouver la douleur amoureuse : le premier, celle de la rupture, incompréhensible, inédite, inattendue, forcément injuste ; la seconde, celle du deuil lorsque l’Histoire fauche tout idéal de liberté et de résistance passive. Deux entités, deux temporalités, deux idylles, la même douleur…

« Vous m’avez déjà pris l’amour de ma vie, laissez-moi maintenant vivre en paix. » (p.113)

Pourtant, chaque page suggère l’espoir, la ténacité à s’accrocher, croire, à travers des messages pleins de bon sens, fondés sur un pragmatisme salvateur. Les formules abondent, mais avec une poésie heureusement là pour nous éviter un énième roman feel-good. Ces deux parcours personnels tendent, au final, à une universalité du propos, dépassant les liens du sang, les liens amoureux, les liens amicaux. Après tout, on peut être des hérauts des temps modernes dès lors que notre propre histoire nous éprouve pour mieux tester notre inhérente et personnelle bravoure.

« Et dans ses bras, un des pires jours de ma vie est devenu un souvenir de survie. » (p.137)


Douze jours sans toi, Elvira SASTRE, traduit de l’espagnol par Isabelle Gugnon, NIL éditions, 2021, 254 pages, 18€.

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