
Il me tardait de découvrir ce roman japonais, adulé par nombre de critiques diverses et variées. Il serait mentir de dire que je ne l’ai pas apprécié, mais je suis loin de l’engouement que j’attendais. Peut-être est-ce lié à la traduction, assez chaotique et parfois familière (les « Bah » parasites sont agaçants au possible) ? Ou peut-être s’agit-il du manque d’ampleur narrative que j’espérais en terme d’intrigue ?
Pourtant, tous les ingrédients que j’aime sont là. De fait, Inoue Areno nous conte le destin de femmes parvenues à leur sixième décennie, femmes quelque peu cabossées par la vie. Kôko ne parvient pas à accepter le divorce avec son ex-mari et s’incruste régulièrement dans sa nouvelle vie de couple ; Matsuko essaie d’apprivoiser son amour de toujours, Shun, au prix d’une patience angélique ; Ituko, quant à elle, écluse tous les soirs le chagrin de son enfant mort il y a plus de trente ans et le décès récent de son mari au prix de nombreuses bières. Ces failles, aucune ne les laisse paraître : lorsqu’elles se retrouvent toutes les trois pour faire tourner le petit magasin de plats préparas « La Maison de Coco », plus rien ne compte que la cuisine et leurs délicieuses préparations adoubées par tout un quartier. Oh, compte aussi Susumu, le beau livreur de riz, qui ne laisse point indifférentes ces dames, presque prêtes à se défier pour lui.
Chaque chapitre est nommé d’après un plat que les trois grâces de la cuisine concoctent. Et, bien souvent, cet mets matérialise un événement personnel passé ou présent, sublimé par la touche de chacune. De la cuisine à la thérapie, il n’y a qu’un pas !
« La Maison de Coco commençait à devenir pour elle quelque chose de plus important qu’un il alimentaire, se disait-elle. » (p.140)
« Pour le dire autrement, elle a découvert ce que signifie se faire dorloter depuis qu’elle travaille à la Maison de Coco. Doit-elle s’en réjouir ou s’en plaindre ? » (p.53)
Le roman reste sympathique et, à bien des égards, touchant. De fait, la solitude désemparée et souvent malheureuse de chaque entité du trio est rendue encore plus prégnante par le contraste avec leur réunion culinaire quotidienne. La nourriture pour adoucir les mœurs et les cœurs, sans doute n’y a-t-il pas meilleure recette !
« C’est tout de même extraordinaire, la cuisine, pensait-elle. Pas besoin de denrées de luxe, rien de compliqué, il suffit de cuisiner juste et vous obtenez quelque chose de fabuleux? » (p.165)
L’ode au chou sauté, INOUE Areno, traduit du japonais par Patrick Honnoré, éditions PICQUIER, 2021 pour la traduction en langue française, 235 pages, 19€.