Mon décorticage frénétique des magazines littéraires pour la très attendue rentrée de la fin août 2017 me fit noter, par sa récurrence à être évoqué comme l’un des titres phares, le roman de Monica Sabolo, Summer.
Quelques jours à peine après avoir achevé sa lecture, je m’interroge encore : qu’est-ce qui, dans ce roman, fait qu’il ait pu être en lice pour le Goncourt des lycéens ?
A première vue, ce n’est certainement pas la ponctuation : l’usage des virgules y est très mal maîtrisé, et cela est dérangeant. Pitié pour la syntaxe, que diable ! Micro florilège d’une puriste assumée :
« Je me souviens pourquoi j’aimais tellement venir ici, enfant, cet aspect de déclin, et d’abandon, l’inverse de notre maison » (p.196)
« j’avais récupéré ma veste, sur un lit, dans une montagne obscène de sacs à main et de vêtements – pour une raison obscure, cette vision m’avait semblé la preuve supplémentaire d’une orgie imminente – et, j’étais parti. » (p.241)
Ensuite, le traitement de l’intrigue rend toute adhésion aux personnages difficile, voire impossible. Ce n’est pas faute pourtant de soulever des idées riches en possibilités : le poids du secret familial, du non-dit ; les apparences garantes d’un microcosme social, qu’importe si sous le vernis l’ongle est noir… Le problème, c’est que l’auteur suggère, tout au long du livre, plutôt que d’affirmer : compliqué alors que de ressentir une quelconque empathie.
Mais voyons plutôt l’intrigue : la riche famille Wassner vit sur les bords du lac Léman. La réussite éclatante est l’affaire de chacun de ses membres ou presque : le père est un brillant avocat, habitué aux procès pour défendre des hommes illustres ; la mère est la parfaite femme du monde ; Summer, la fille aînée, est l’archétype des longilignes jeunes filles blondes à qui tout sourit. Reste Benjamin, le discret et timide petit frère, bourré de TOC mais fin observateur de ce microcosme familial qu’il adore.
Ce petit monde parfait vole en éclats – ou aurait dû voler en éclats – lors disparaît Summer : enlèvement ? meurtre ? envol volontaire ? Le mystère va rester entier pendant plus de vingt-quatre ans, jusqu’à ce que Benjamin, en pleine dépression, saisisse à bras le corps ces rêves marins obsédants dans lesquels semblent flotter sa sœur.
N’est-il pas étrange d’attendre vingt-quatre ans et autant de psychothérapies avant de retourner voir le policier qui avait enquêté sur la disparition de Summer et alors enfin bousculer le décor familial bien établi (mais peut-être trompeur) ?
Jusqu’à ce sursaut – qui n’arrive que dans le dernier tiers du livre – nous n’avons qu’un enchaînement de flash-back qui donnent des aperçus fugaces des protagonistes Wassner. Des instantanés de vie aussi vite disparus de la narration. Il est donc difficile de trouver une cohérence textuelle qui nous tienne en haleine en adhérant aux personnages.
Ce livre est pour moi rempli de remous littéraires qui font écho aux remous du lac, motif obsédant dans l’écriture de Monica Sabolo et dans les rêves de Benjamin. Une poésie certaine et indéniable mais un manque de force narrative malgré un bien beau potentiel. Dommage…
Summer, Monica Sabolo, JC Lattès, 2017, 316 pages, 19€.