Il était inconcevable, en novembre dernier, de passer à côté du nouvel opus de Camilla Läckberg, intitulé La Sorcière. L’un de ses plus gros romans, si l’on en juge le nombre de pages frôlant le chiffre 700. L’un de ses plus poussés narrativement et psychologiquement parlant.
La petite Nea, quatre ans, a disparu dans la forêt. Sa disparition rappelle étrangement celle de Stella trente ans plus tôt, et dont le corps sans vie avait été retrouvé dans la même forêt. A l’époque, Helen et Marie, deux adolescentes et deux amies, avaient avoué le meurtre puis s’étaient rétractées, mais trop tard. Or, la disparition de Nea correspond curieusement au retour de Marie, devenue actrice talentueuse aux USA. Est-ce une simple coïncidence ? Ne serait pas plutôt le fait des migrants venus de Syrie et ayant trouvé refuge en Suède ? Ce serait des coupables tellement faciles à accuser pour les nationalistes du pays…
En filigrane, nous suivons l’histoire d’Elin, ancrée en 1672, en pleine chasse aux sorcières. Elin est veuve : elle a perdu son mari en mer, juste après s’être disputée avec lui et l’avoir maudit de jamais revenir. Des paroles en l’air, mais qui ont semé le trouble chez les mauvaises langues du village. Veuve et sans le sou pour faire vivre sa petite fille, Elin est accueillie comme domestique chez sa soeur Britta, esprit mauvais et jaloux pourtant mariée avec le pasteur de la contrée, Preben. Elin s’emploie à s’acquitter soigneusement de ses tâches, n’hésitant pas à user de sa connaissance des plantes pour apaiser les douleurs des uns et des autres. Une douce influence qui ne laisse pas Preben de marbre…
Et dans ce gynécée policier, nous retrouvons le personnage fétiche de Läckberg en la personne d’Erica Falck : alors qu’elle est en train d’écrire un livre sur Stella, l’affaire Nea lui offre une occasion en or de seconder son policier de mari Patrik dans ses recherches.
On retrouve avec plaisir les personnages maintenant absolument établis de l’écrivaine. On regrettera certains passages un rien trop romanesques ou clichés : le verre de vin rouge devant la cheminée après une longue journée pour Erica et Patrik, l’énième bourde prévisible de Bertil Mellberg, le cheminement intérieur d’Anna, la sœur d’Erica, les litres de café que l’on sert toutes les 10 pages…
Ces quelques poncifs ne doivent pas occulter ce qui fait la grande qualité de ce nouvel opus venu du Nord : Camilla Läckberg y propose, à travers son intrigue et ses personnages, une réflexion saisissante et parfois glaçante des conséquences de certains actes, qui vont jusqu’à dégénérer et à dépasser totalement leurs auteurs. Ces conséquences sont relatives aux migrants, au rôle de mère, à l’idéologie paternelle, au harcèlement adolescent… Certains passages sont glaçants et psychologiquement très durs, mais c’est en cela que La Sorcière peut être considéré comme un très bon récit, à lire absolument.
La Sorcière, Camilla Läckberg, éd. Actes Sud, coll. Actes noirs, 2017, 697 pages, 24€.