Les Sanders forment, à bien des égard, la famille parfaite, bien sous tous rapports : l’excellent poste à responsabilité de Jeff permet à son épouse Kim de jouir d’un train de vie luxueux tout en travaillant « pour le plaisir » en free-lance à mi-temps, leur fille aînée Hannah est à la fois belle et brillante et leur fils Aidan est un adolescent de treize ans sans histoire. Férus d’un mode de vie healthy, la famille cultive le bien-manger et le sport à haute dose. Le vernis familial est donc on-ne-peut-plus brillant.
Lorsque Hannah fête ses seize ans, c’est un événement de taille pour la famille. Un sweet-sixteen de luxe avec cadeau à plus de cinq mille dollars. Pour l’occasion, la jeune fille invite ses plus proches amies, celles de toujours, sages et bien élevées, mais aussi deux nouvelles amies, Ronni et Lauren. Ces deux dernières sont les plus populaires du lycée : pour Hannah, c’est une occasion rêvée de faire partie du groupe le plus en vue. Seulement, les mœurs des deux jeunes filles sont bien loin de celles de la sage Hannah : son anniversaire a l’enjeu d’un rite de passage qu’il ne faut pas rater. Seulement, avec une mère plus que stricte et rigide interdisant tout (alcool, garçons, drogue, cigarette), Hannah craint le fiasco : ses amies vont s’ennuyer à mourir. Sauf si…
Sauf que cette soirée ne va pas du tout se passer comme prévu : un drame se produit, et les conséquences s’annoncent terribles, tant pour Hannah que ses amis, que ses parents et leur propre cercle d’amis. Tout comme la table basse lors de cette terrible soirée, tout vole en éclats : les amitiés – et plus largement les relations – ne sont pas celles en lesquelles chacun croyait. Les Sanders vont devoir payer, au sens propre comme au sens figuré, ce qui s’est passé chez eux. Une lutte terrible s’engage, faite de petites et grandes trahisons, à la cruauté variable mais certaine. La chute est rude, les désillusions odieuses.
« Elle vivait sa vie selon un schéma bien tracé, en suivant un code de valeurs morales et éthiques… Elle faisait toujours passer sa famille en premier. Et pourtant, où cela l’avait-il menée ? Son mariage était une imposture, sa fille se montrait sournoise et fourbe, son fils refusait de se couper les cheveux et sentait des pieds… » (p.94-95)
« C’était donc elle qui avait bâti une famille qui lui mentait, lui désobéissait et lui cachait des secrets. » (p.227)
L’Anniversaire est un page-turner comme je les aime, à la narration efficace en diable, due à la polyphonie qui structure le roman : le récit avance selon le point de vue des différents protagonistes (Hannah, Kim, Jeff, Ronni…), la juxtaposition de chacun permettant une progression chronologique du jour de l’anniversaire aux quelque mois suivants. De fait, cela permet à l’auteur de brosser un vaste portrait, très travaillé, des différentes sensibilités et de démultiplier l’empathie envers tel ou tel personnage.
Je note le choix romanesque stratégique de partir d’un événement du quotidien dans une famille lambda (quoique +++ financièrement parlant) et d’analyser l’enchaînement des conséquences dramatiques qui, tel un jeu de dominos, pulvérise par la multiplication des impacts un microcosme bien établi pour en redéfinir la forme (et le fond).
Belle réflexion également sur le qu’en dira-t-on, relayé aujourd’hui par les réseaux sociaux : Robyn Harding questionne la rumeur et la réputation, les deux mettant en péril une image souvent éphémère et illusoire.
« Les pièces du puzzle s’assemblèrent. Ana avait craché sur Kim devant cette Karen et, à son tour, Karen vomissait l’histoire d’Ana aux autres mères du réseau. Elle le voyait à leur regard, dans la posture accusatrice de leur menton et la distance crispée qu’elles maintenaient avec elle. » (p.236)
Enfin, une fois le roman achevé, il reste peut-être cette question que pose l’auteur : quelles sont les vraies valeurs propres au bonheur ? Sont-ce celles liées au matérialisme et au consumérisme ? Est-ce que tout doit être une question d’argent ? De quoi dépend le bonheur ? Ne croyez pas que ces questions, maintes fois étayées dans divers romans, soient éculées : dans L’Anniversaire, elles sont à la source d’une problématique à laquelle chacun de nous pourrait être confronté. Le roman a le mérite d’en fouiller les recoins les plus obscurs.
Ce roman est purement et simplement addictif : à dévorer sans tarder !
L’Anniversaire, Robyn HARDING, traduit de l’anglais (Canada) par Élodie Leplat, éditions Le Cherche-Midi, 2018, 361 pages, 21€.
Une histoire comme je les apprécie…la famille américaine avec ses hypocrisies, faussetés, méchancetés…je note ce titre dans ma liste !
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