Claude aime passionnément Reine mais celle-ci lui préfère un mariage de raison pour mener à bien une ascension sociale mirifique. Las, Claude promet de se venger.
Il met son projet à exécution en épousant sur un apparent coup de tête Dominique, une employée sans histoire et sans relief. Elle sera la compagne de sa conquête de Paris et des privilégiés. Au bout de quelques années seulement, Dominique donne naissance à la petite Épicène, ainsi nommée en référence à ces prénoms mixtes comme celui de son père et celui de sa mère.
L’ennui, c’est que Claude voue à sa fille une haine affichée, que la petite lui rend tout aussi bien et assez rapidement. Elle trouve auprès de sa mère tout l’amour dont elle a besoin et assure pendant quelques années son autosuffisance intellectuelle, morale et amicale.
Dominique, elle, subit les intermittences du cœur de son époux, entre franche indifférence et élans soudains et passionnés. C’est d’ailleurs l’un de ces élans qui la pousse à se mettre en relation avec les Cléry, riche famille parisienne avec laquelle Claude et Dominique peuvent prétendre fricoter, l’ascension professionnelle et sociale de Claude ayant assis le couple dans la sphère dorée des « gens bien ».
Seulement, le rapprochement n’est en fait que manigance et la révélation fracassante. La dynamique bancale Claude – Dominique – Épicène vole en éclats et repart sur d’autres fondements : ailleurs, autrement, différemment et simplement.
Un happy end pas si courant que cela avec une morale (presque) sauve ; du moins, le narrateur en appelle à l’indulgence du lecteur pour fermer les yeux sur un dénouement « provoqué » mais peut-être mérité…
Encore une fois, je ne me lasse pas du talent narratif de conteuse d’Amélie Nothomb. Elle manie comme personne l’art d’esquisser en quelques mots des personnages fantasques, tout à tour brillants (Épicène) ou abjects (Claude).
Avec Les Prénoms épicènes, Amélie Nothomb fait la part belle aux femmes, leur accordant dans ce nouveau récit une aura de dignité, d’intelligence et de bravoure. Plus que jamais, les hommes sont écartés de ce gynécée familial et amical.
Autre thème, non moins intelligemment traité : le désir de conquête des provinciaux, à l’assaut de Paris comme à l’assaut d’une femme, instrumentalisant les relations pour mieux parvenir au Saint Graal de la réussite. Amélie Nothomb y épingle tous les clichés propres à cet idéal aux signes clinquants et outranciers : offrir le n°5 de Chanel, habiter telle rive de Paris, fréquenter tel milieu (social, professionnel, éducatif). Or, le roman se veut une apologie de la vie simple, sans fard et sans mensonge.
Le Nothomb 2018 : un bon cru, plaisant mais hélas toujours trop rapide à lire !
Les prénoms épicènes, Amélie NOTHOMB, éditions Albin Michel, 2018, 155 pages, 17.50€.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un Nothomb et je crois que ça m’avait manqué! J’ai beaucoup aimé ce roman mais comme tu l’as fait remarqué, il est malheureusement trop court, on en veut encore un peu!
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