A dévorer !

« Une ombre au tableau », Myriam Chirousse : invitation à se méfier de l’eau qui dort…

Ambiance moite et brumeuse au cours de cet été caniculaire sur Nice, été lors duquel Mélissa et Grégoire Delgado emménagent dans une superbe villa au « Clos des Collines », vaste copropriété de privilégiés se partageant une belle piscine.

Une ombre au tableau.jpg

Pour Greg, cette acquisition est le symbole éclatant de sa réussite en tant que conseiller dans une banque, le symbole d’être parvenu à cette caste pour laquelle le luxe est chose naturelle. Et tant pis si dans cette maison un drame est survenu et qu’un enfant s’y est noyé l’été précédent ; et tant pis si le prix d’achat de la villa a été bradé par son ami, l’agent immobilier Stéphane Ogier. Après tout, c’était une affaire en or, non ?

« Sur le trottoir, Stéphane lui expliqua les raisons du prix dérisoire de la maison. Ce n’était pas grand-chose, mais autant le savoir. Les propriétaires voulaient s’en débarrasser parce qu’un événement dramatique s’y était produit l’été d’avant. Leur fils s’était noyé dans la piscine. Un accident bête, quelques secondes d’inattention. La femme avait fait une dépression, le couple se séparait, leur vie était foutue, mais la maison et le lotissement n’avaient rien à se reprocher. Les malheurs des uns font les aubaines des autres, avait conclu Stéphane en jonglant avec les clés de sa voiture. » (p.17-18)

Seulement, Mélissa ressent très rapidement un certain malaise dans ce nouveau lieu de vie. Pour cause : très soucieuse de son équilibre intérieur et sensible aux flux et aux ondes, l’ostéopathe de métier parvient à cerner progressivement les aspérités sur lesquelles d’étranges et infimes faits ricochent. Il faut dire que son mari lui a tu les conditions d’achat de la maison ; il faut aussi dire que Mélissa lui a caché que Stéphane Ogier était un ancien amant avec qui elle a vécu une relation passionnelle.

« Cerner le cheveu caché sous le papier lui avait pris du temps cette fois-ci, il fallait le reconnaître? Peut-être s’agissait-il d’un cheveu particulièrement fin, ou d’un papier anormalement épais ? Ou peut-être son acuité s’usait-elle avec l’âge ? La vie avançant, son troisième œil accusait une sorte de myopie. Même une lame du meilleur acier à force de couper un jour ne tranche plus.

Un soir, cependant, elle avait tout à coup décelé, débusqué, deviné. » (p.166)

Alors, au cœur de cette maison luxueuse, les secrets des uns et des autres peuvent-ils éclater sans dommages ? Clément, l’enfant de Mélissa et de Greg, peut-il être victime à son tour d’une forme de malédiction ? Jusqu’à quel point le couple peut-il compter sur la bienveillance d’Edith Colonna, Vesta des temps modernes sur ce « Clos des Collines » ?


Myriam Chirousse signe avec Une ombre au tableau un roman haletant dans lequel le lecteur se retrouve malgré lui complice du mensonge par omission de Greg, mais aussi complice de Mélissa pour son trouble historique amoureux. Forcément, il nous tarde de découvrir à quel moment le (les ?) secret peut éclater et les conséquences qui peuvent en découler.

Au-delà de ce roman à suspens, Une ombre au tableau est, selon moi, un récit social qui pointe du doigt la logique des parvenus à travers le personnage de Greg, prêt à afficher tous les signes ostentatoires du luxe pour prétendre appartenir à ce milieu.

« Lorsqu’il avait quatorze ans, sur ce talus désertique, il s’était promis de devenir un homme riche. Peut-être ne manquait-il qu’un peu d’audace pour y parvenir ? Se débarrasser des entraves… Aller de l’avant… » (p.110-111)

A l’opposé, on sent à travers le personnage de Mélissa une quête pour les plaisirs simples, naturels et pas forcément matériels. Enfin, le thème de l’illusion structure toute l’ossature du roman en questionnant le mensonge, les apparences et la vérité révélée : les petits riens du quotidien peuvent cacher des racines tentaculaires parfois…

Un roman passionnant qui se lit hélas trop vite, mais qui doit être lu absolument !


Une ombre au tableau, Myriam CHIROUSSE, éditions Buchet / Chastel, 2018, 190 pages, 17€.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s