A dévorer !

« Ça raconte Sarah », Pauline Delabroy-Allard : et si elle t’aime, prends garde à toi…

Quelle formidable pépite littéraire que ce premier roman, très justement remarqué et salué par la critique, et qui adoube Pauline Delabroy-Allard comme une écrivaine à suivre, au potentiel énorme !

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Alors ce roman raconte Sarah. Une narration menée à la première personne par son amante, une jeune professeure de français de 32 ans, séparée du père de sa fille.

« Je m’applique à vivre la vie. Je ne la vis pas vraiment. Mais je suis bonne élève. […] Je me trouve jolie, on me dit gentille, attentive aux autres. Je ne fais pas de vagues. Je suis la mère d’une enfant parfaite, la professeure d’élèves remarquables, la fille de parents merveilleux. La vie aurait pu continuer comme ça encore longtemps. Un long tunnel sans surprise, sans mystère. » (p.17)

Elle rencontre lors d’un dîner Sarah, brillante violoniste et invitée exubérante, faisant fi des conventions au profit d’une originalité de tous les instants. Très vite, les deux jeunes femmes deviennent amies, mues par une attirance qui s’impose progressivement comme une évidence. De l’amitié à l’amour il n’y a qu’un pas, que Sarah et la narratrice franchissent charnellement et spirituellement.

« Elle est elle-même le feu, le tournoiement de l’âme. Elle a l’apparence d’un démon. Elle est belle à tomber par terre, désirable à crever. » (p.51)

« Elle ressemble à un personnage de roman. Elle ne se rend pas compte que c’est douloureux, pour les autres qui l’entourent. Elle est vivante. » (p.87)

Pauline Delabroy-Allard évoque parfaitement, sensuellement et littérairement la fusion, la symbiose entre ces deux amantes qui éprouvent une urgence à s’aimer le plus fort possible dès qu’une occasion se présente. Ça raconte Sarah est une célébration d’un amour où finalement l’identité sexuelle compte pour rien, pourvu que l’on aime vraiment.

« Je ne pensais pas toucher un jour le corps d’une femme, aimer ça à la folie au point d’y penser sans art, nuit et jour. Elle ne quitte pas mon esprit. Elle me hante, nue, sublime, un fantôme qui fait gonfler mes veines, larmoyer mon sexe. C’est une révélation, une lumière, une épiphanie. » (p.35-36)

« C’est que la griserie vient des heures passées ensemble, de la folie de cette vie qu’on mène tambour battant, du temps volé au temps. Je me souviens de ça. Dès que nous sommes deux, la magie opère. » (p.127)

Alors certes la narratrice semble évoluer dans l’ombre de la solaire et volcanique Sarah, mais elle regagne sa place dans la deuxième partie du roman, poignante et déchirante. Tout comme si la douleur d’aimer la faisait davantage exister…

« Ça raconte Sarah, imprévisible, ondoyante, déroutante, versatile, terrifiante comme un papillon de nuit. » (p.94)

Peut-on aimer trop fort ? Lorsque l’on aime, est-on encore soi-même ? que, qui devient-on ?

« L’intensité entre nous est trop forte, des orages éclatent. » (p.63)

« La vie sans elle, c’est la vie quand même. » (p.151)

Ce roman est une apologie tourbillonnante de la liberté amoureuse, une ode à la jouissance des sens et du cœur. Il souligne la thématique de l’amour homosexuel que l’on retrouve au cœur de la rentrée littéraire 2018, que nous avions déjà évoquée avec la chronique de Quand on parle de Lou, de Julie Gouazé (éditions Belfond). Preuve que la littérature, à l’image de notre société, tend à faire tomber les carcans qui emprisonnent les cœurs…

« L’amour avec une femme : une tempête. » (p.35)


Ça raconte Sarah, Pauline Delabroy-Allard, éditions de Minuit, 2018, 189 pages, 15 €.

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