A croquer

« Summer Mélodie », David Nicholls : l’adolescence, le temps d’un été et peut-être pour l’éternité…

Summer Mélodie A 16 ans, Charlie achève sans grand éclat son collège à Merton Grange, établissement lambda de sa petite ville de la province anglaise.

« Sur les photos prises de moi à cette époque, j’ai l’impression de contempler les premières esquisses d’un personnage de bande-dessinée, des prototypes annonciateurs de la version définitive, mais un peu disproportionnés, pas tout à fait d’aplomb. » (p.19)

Un long été s’ouvre devant lui, mais la morne perspective de ses douze heures de travail hebdomadaire à la station-service du coin et de son interminable quotidien avec son père dépressif l’inquiète quelque peu.

Seulement, le hasard fait parfois bien les choses. Ainsi, alors que Charlie se réfugie dans la campagne environnante pour fuir le domicile parental et lire un peu, il tombe nez à nez avec la délicieuse Fran Fisher. Cette dernière participe à un stage de théâtre organisé par le collectif Full Fathom Five, dont l’ambition est de monter la célèbre pièce de Shakespeare Roméo et Juliette, dont le rôle-titre est assuré par la brillante Frances.

Sauf que le théâtre, très peu pour Charlie, d’autant plus qu’il retrouve dans le groupe de théâtre les exclus de Merton Grange, jugés infréquentables par ses pairs et lui, ainsi que de jeunes gens issus des meilleurs établissements scolaires des environs.

Pourtant, déjà follement attiré et épris de Fran, Charlie accepte de revenir au sein du groupe et d’y jouer un petit rôle.

« Si j’avais été plus occupé cet été-là, ou plus heureux à la maison, je n’aurais peut-être pas autant pensé à elle. Mais je n’étais ni occupé, ni heureux, et ceci explique pourquoi j’ai succombé. » (p.72)

Malgré des débuts laborieux, Charlie parvient à appréhender son rôle. Fran, mutine en diable, y est pour beaucoup.

« Si le virus du théâtre existait vraiment, alors j’étais immunisé contre lui. » (p.200)

Ferré par la belle Frances, capté par Shakespeare, Charlie en oublie volontiers son père et remet en question ses amitiés masculines. Le temps d’un été, est-ce que tout peut changer ?

« Cette conviction, c’était que si je pouvais sortir avec Fran Fisher, si elle pouvait, sans que je sache comment, m’accepter, moi, mes erreurs passées, mes conditions de vie pathétiques, mes bizarreries et mes angoisses, alors je deviendrais une meilleure version de moi-même, une version si excellente et exemplaire qu’elle serait pratiquement neuve. » (p.319)


Summer Mélodie fait la part belle aux portraits adolescents de l’Angleterre de la fin des années 90 pour consacrer le touchant parcours initiatique du personnage de Charlie, un ado dont on découvre progressivement les aspérités. Roman d’apprentissage, Summer Mélodie évoque à la perfection le premier amour, les amitiés changeantes et le rapport aux parents, notamment lorsque ces derniers assument un divorce ou sont en prise avec la dépression.

« Ceci est une histoire d’amour, même si, à présent qu’elle est terminée, je m’aperçois que l’amour y présente au moins quatre ou cinq visages différents, si ce n’est davantage : l’amour filial et paternel ; l’amour des amis, celui qui brûle à petit feu et vous revigore ; la brève explosion aveuglante du premier amour, que l’on ne peut regarder en face que lorsqu’il est consumé. Il y a des limites à tout ce qu’un simple mot peut exprimer, et peut-être en faudrait-il d’autres pour rendre compte d’une réalité si variée et si riche. D’ici à ce qu’ils soient inventés, celui-ci devra englober les divers types d’amour mentionnés précédemment – sans oublier l’amour conjugal. » (p.500)

David Nicholls questionne un thème clé dans son nouveau récit : celui du choix (d’aimer qui on veut, d’aller où l’on souhaite, avec qui l’on désire…). Ce choix, bien que tangent parfois, va de pair avec l’espoir.

Même si le début du roman est passablement long (il faut attendre la seconde partie du texte pour enfin ressentir « le style » Nicholls), la poésie advient très rapidement grâce au texte de Roméo et Juliette, qui compose nombre de scènes de répétition, jusqu’à devenir palimpseste tout au long du roman. Mais, si la pièce de théâtre s’achève tragiquement, doit-il en être de même pour l’histoire d’amour entre Charlie et Fran ? Le temps qui passe, motif final du récit, a-t-il raison des instants adolescents, que l’on pense parfois éternels ?

« l’idée m’a traversé à l’époque – comme elle continue à le faire aujourd’hui – que le plus grand mensonge véhiculé sur la jeunesse est qu’elle serait totalement insouciante.

Bon sang, personne ne se souvient-il de rien ? » (p.219)


Summer Mélodie, David NICHOLLS, traduit de l’anglais par Valérie Bourgeois, éditions Belfond, 2020, 509 pages, 22€.

Un immense merci aux éditions Belfond pour l’envoi gracieux de ce très bon roman.

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