Antoine est pieds et poings liés : sa thèse en histoire du livre est sur le point de le sacrer docteur, lui qui, ironie du sort, a toujours eu peur des bibliothécaires. Pourtant, grande est l’envie de tout arrêter, d’annoncer à sa famille qu’il abandonne, d’envoyer le mail à son directeur de thèse qu’il annule tout. Pourquoi cela, alors que plus de 400 pages ont déjà été écrites ? Parce qu’Antoine doute. De lui. De ses capacités peut-être. De ses envies. De ses désirs réels, aujourd’hui et à venir.
« Mais, il le savait, c’était sans espoir de retour : s’il ne se décidait pas à la rédiger, sa thèse finirait, comme tant d’autres, au rayon des chefs-d’œuvre inconnus. » (p.31)

Mais son proche entourage met à mal ses tentatives d’aveu : son père se remet tant bien que mal d’un burn-out ; sa mère est actuellement soignée pour un cancer ; sa petite copine Sid surfe sur le succès de son art en Corée ; son brillant frère Dan, col blanc de la City, revient à Paris pour d’obscures raisons…
Tout le roman semble donc construit sur ce point de bascule : Antoine renoncera-t-il, ou persistera-t-il ? Chose amusante : un minuscule détail semble avoir le pouvoir symbolique et quasi-fataliste de le faire pencher pour l’un ou pour l’autre. Des superstitions dans l’art de créer…
Ainsi, le brillant roman d’Anne Urbain se fait le récit du quotidien d’un thésard, en proie à ses atermoiements, la panique, le job au lycée à côté. Une description très juste du sacerdoce intellectuel visant à accoucher d’un pavé de presque 800 pages, dont le succès ne laisse en général aucun doute.
« Il fallait donc qu’il l’achève, cette putain de thèse. CQFD. » (p.43)
Ce qui est intéressant, c’est la réflexion portée sur le décalage entre ces considérations hautement intellectuelles et le pragmatisme de ceux qui nous entourent : au final, qu’est-ce qui est le plus important ? Qu’est-ce qui a le plus de valeur ?
Alors que la France s’embrase sous une vague jaune contestataire, Antoine va, pendant ces quelques mois relevant du roman initiatique, mettre à l’épreuve sa conscience dans sa dualité : l’affective et l’intellectuelle, la rationnelle et l’irraisonnée.
Et cette thèse me direz-vous ? A vous de découvrir si Antoine la soutiendra ou non… et, pour quelle finalité. Car, après tout, la soutenance d’une thèse n’est sans doute pas l’aboutissement d’un cheminement, mais le début de tout autre chose : alors, Antoine sera-t-il prêt à persister et signer ?
Quant à ce premier récit d’Anne Urbain : on le referme avec les félicitations du jury, pas moins !
La soutenance, Anne URBAIN, éditions de l’Olivier, 2021, 235 pages, 18€.
Je ne connaissais pas ce roman, mais tu m’as donné envie de le lire 😀 je vais essayer de le trouver, le thème me tente beaucoup 🙂 Merci pour cette découverte.
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Avec plaisir ! 🙂
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