
Esther et Héloïse sont nées, comme qui dirait, avec une cuillère en argent dans la bouche, dans les beaux quartiers de Paris. Si la première a pu, de façon relative, disposer d’une certaine liberté au-fur-et-à-mesure qu’elle grandissait, la seconde s’est presque tout entière conformée à l’idéal aristocratique de sa famille, mais en toute modestie, selon le bon goût d’une éducation savamment inculquée.
« Elles sont des filles à papa, des gosses de riches, la cuillère en argent dans la bouche, pendant longtemps elles ne connaîtront rien d’autre » (p.17)
« Deux adolescentes élevées dans la bourgeoisie intellectuelle parisienne. On ne peut rêver mieux. » (p.67)
Les deux filles deviennent amies sur les bancs de l’école et si, ponctuellement, Esther ressent une pointe de jalousie pour la supériorité qui s’ignore d’Héloïse, ce sentiment n’est qu’un feu de paille.
Toutes deux vivent leur jeunesse ensemble, prédestinées aux rôles que leur caste attend d’elles : afficher des têtes bien pleines et bien faites avant de devenir des épouses, puis des mères.
Sur plusieurs décennies, égrenées des années 70 jusqu’à 2020, Colombe Schneck fait le récit d’une amitié, mais aussi d’une double construction identitaire, entre bonheurs et malheurs de deux vies au cheminement quasi-identique. Elle fait la part belle au deuil : celui des parents, celui de l’amour lorsqu’il nous quitte ou que l’on quitte, celui de l’amie, et elle questionne ces épreuves et ce qu’il nous reste après cela. De fait, si le récit commence avec une délicieuse légèreté, sa fin est nettement plus sombre, mais tellement juste et réaliste.
« Il suffit d’un rien pour basculer d’un état à un autre, de la maladie, de la mort à la vie, de la tragédie à la joie, de la bêtise à l’âme forte. » (p.109)
Au final, ce que le titre pouvait augurer de condescendant ou de péjoratif (on devine la moue moqueuse à prononcer ce groupe nominal de « Deux petites bourgeoises ») est balayé en une centaine de pages : Colombe Schneck démontre que l’on ne peut que difficilement ne pas tenir compte du déterminisme social dans lequel on nait ou l’on vit.
« Plus tard, Héloïse assumera qu’elle est une bourgeoise, que c’est ainsi, elle n’a pas à s’en excuser. » (p.31)
Néanmoins, la construction de l’âme et du cœur ne dépend que des valeurs en lesquelles on croit, au fond de soi, et en dépit de ce que l’on attend de nous.
Deux petites bourgeoises, Colombe SCHNECK, éditions Stock, 2021, 147 pages, 17€.
Jamais lu cette auteure, mais ce roman m’intéresse. Merci à toi.
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😉
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