Filer le parfait amour avec un homme, c’est une chose. Rencontrer sa mère et inaugurer la relation belle-mère / belle-fille, ça peut en être une autre, et nombre de jeunes femmes ont des sueurs froides rien qu’à l’évocation de la génitrice de leur amoureux (mais heureusement, toutes les belles-mères ne sont pas comme cela !).
Ainsi, lorsque Lucy, orpheline de mère depuis ses treize ans, rencontre Diana, la mère de son futur époux Ollie, elle espère du fond du cœur lier une belle relation de complicité et d’affection.
« Je n’avais plus de mère. Mais un jour, peut-être, j’aurais une belle-mère. » (p.27)
« Quel que soit notre âge, nous voulons tous recevoir l’approbation de notre mère. Et tout le monde, sans exception, cherche aussi celle de sa belle-mère. » (p.359)
Las : c’est plutôt avec Tom, le père d’Ollie, que cette recherche va aboutir. En effet, Diana apparaît d’emblée froide, distante, et ses interventions sont souvent maladroites parce qu’aux antipodes de ce qui pouvait être attendu d’elle. A quelques reprises, Lucy parvient à sentir chez sa belle-mère un élan, mais si furtif que leur relation reste au point mort, émaillée d’incidents plus ou moins graves.
« Il est si facile d’être à côté de la plaque, pour une belle-mère. On dirait qu’il existe mille lois à respecter, sauf qu’elles ne sont écrites nulle part. S’impliquer mais ne pas s’imposer. Soutenir mais ne pas envahir. Rendre service vis-à-vis des enfants, mais sans empiéter sur le rôle des parents. Offrir sa sagesse, mais pas de conseils. De toute évidence, je ne maîtrise pas cette liste. Le poids des contraintes m’intimide au point de me décourager. » (p.80)
Lucy est pourtant pleine de bonne volonté et se garde bien de critiquer Diana, auréolée d’un respect qui dépasse la famille Goodwin : en effet, riche à millions, elle œuvre depuis des années auprès des réfugiés, en particulier les femmes enceintes. Considérant que la vie doit être gagnée à la sueur de son front, elle met aussi un point d’honneur à refuser d’aider financièrement ses enfants, qu’il s’agisse du business d’Ollie ou du paiement des FIV de Nettie, sa fille désespérément en quête de maternité. Une telle attitude peut sembler, à bien des égards, déconcertante, mais le lecteur découvre, dans les chapitres assumés par la voix narrative de Diana, que son passé laborieux et éprouvant explique sa position, campée sur l’aide aux plus démunis et à l’art de la débrouillardise pour les nantis.
« J’imagine que vous ne me trouvez pas formidable pour autant, mais j’estime que tout le monde devrait avoir droit aux mêmes chances dans la vie. » (p.183)
Lorsque Diana est retrouvée morte, la première hypothèse est celle du suicide. Pourtant, les membres restants découvrent que le suicide n’en est pas un et que Diana ne leur avait pas tout dit. Alors, qui aurait pu lui vouloir du mal ? Vengeance personnelle ou vengeance vénale ? Lucy, la belle-fille boudée, aurait-elle pu souhaiter la mort de sa belle-mère ? Ollie et Nettie auraient-ils voulu faire main basse sur l’héritage ?
« Combien de personnes faut-il pour tuer une vieille dame pleine aux as ? » (p.302)
La belle-mère est un très bon roman qui se lit avec passion. Tout d’abord, le rythme est enlevé : il alterne entre la voix narrative de Lucy et celle de Diana, mais aussi entre le passé et le présent. Une double partition, donc. Ensuite, le lectorat féminin y retrouvera une thématique qui lui parle : la relation belle-mère / belle-fille, parfois apaisée, souvent épineuse.
« Je songe soudain que seules une belle-mère et une belle-fille peuvent se mener une guerre ouverte sans que ni l’une ni l’autre ne hausse le ton. Et que si les hommes étaient là, ils verraient qu’une conversation aimable se dérouler sous leurs yeux. » (p.167)
Enfin, le parcours de vie des différents personnages, qu’il soit approfondi (Diana – Lucy) ou suggéré (Nettie) est décrit avec minutie, sans pathos. Et c’est appréciable pour la crédibilité de la narration.
Le récit est donc double : quête (d’une figure maternelle, d’un enfant, de l’affection) et enquête (pourquoi et comment Diana est-elle morte ?). Sa réussite littéraire est elle unique.
La belle-mère, Sally Hepworth, traduit de l’anglais par Maryline Beury, éditions de L’ARCHIPEL, 2020, 359 pages, 21€.
Je me permets de signaler à la maison d’édition nombre de coquilles de mise en page (mots juxtaposés, sans espace entre eux) et cette regrettable erreur grammaticale (« Quelle est le pire qui te soit arrivé ? » p.174). Mais l’erreur est humaine 😉
Comme toi, j’ai lu le roman avec passion, au point d’avoir du mal à passer à un autre thriller…
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Merci pour ce très beau billet, j’hésitais à le lire mais grâce à toi je n’hésite plus
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