
Avertissement au(x) lecteur(s) : si ce roman notablement remarqué pour cette rentrée littéraire 2021 a créé un feu d’artifices de critiques dithyrambiques, je crains d’être passée à côté du noble incendie Pourchet…
Pourtant, le sujet m’intéressait grandement. Jugez : Laure est professeur d’université, mariée à un médecin, Anton, avec lequel elle a eu une fille, Anna, demi-sœur de Vera, première fille de Laure issue d’une relation d’un soir. Une famille bourgeoise qui ne fait de bruit que par les élans contestataires et révolutionnaires de Vera, presque dix-huit ans, qui n’hésite pas à mettre le feu aux poudres dans son lycée, au grand dam de sa mère.
« Souviens-toi. Tu prenais déjà ta part d’ombre pour la lampe et ton désir pour toi-même. » (p.53)
Laure rencontre Clément, un financier à la Défense, célibataire endurci et cynique (il n’a presque rien à envier du tout au personnage de Patrick Bateman dans American Psycho de Bret Easton Ellis) qui ne vit, à cinquante ans, que pour le confort de son chien, le bien-nommé Papa.
« Ses idées c’est vivre, les miennes c’est d’attendre, un chien devant moi. Bref, vous voyez. » (p.265)
Il suffit d’une rencontre dans le cadre de l’organisation d’un colloque pour que Laure saisisse la fulgurance de son désir pour Clément. Ce dernier répond mollement aux invitations de cette femme qui se jette littéralement à sa tête, soufflant le chaud et le froid à l’envi. Il n’est au demeurant pas insensible à elle, mais on sent de façon perceptible une certaine retenue à donner libre cours à son attirance.
« Tu as vécu d’abord sans pleurer, et puis sans te toucher. Tu as appris à vivre en retrait de ta chair, de tes nerfs. Comme si du feu qui t’avait tenue urgente un an, incandescente, tu voulais sortir froide. » (p.350)
Si Laure se consume littéralement, Clément reste prudent, n’attisant le feu du désir que de façon mesurée, épisodique, voire anarchique.
« Cette façon de vivre entre ton décor et l’envers, en racontant des conneries pour protéger ta débauche, t’est devenue naturelle en moins d’un mois. Tu admets aujourd’hui sans lutter que cette personne, c’est toi. » (p.103)
Tout dans ce roman donne force et vie à un mouvement d’attraction-répulsion et cette latence d’un désir à exploser nous met à rude épreuve, car pourtant il est là, évident.
« Nous n’avons elle et moi rien en commun, sinon une chose : on ne se comprend pas. (p.205)
On notera la fièvre particulièrement palpable chez Clément lors des chapitres dans lesquels il a voix : des énumérations à n’en plus finir et un seul destinataire, son chien. A l’inverse, la prose consacrée à Laure se déroule, tel un ruban, où la voix du narrateur s’adresse à elle par l’usage d’un « tu » (interrogateur ? accusateur ?…).
S’agit-il de donner libre cours à ses désirs, ses envies, ou au contraire les contenir ? Au nom / au non de quoi ? Ne risque-t-on pas l’explosion des contradictions incandescentes ?
« Tu as appris ce qu’est la souffrance d’attendre un amour, jusqu’à savoir le dire en une phrase, en une fois. C’est regarder jusqu’à la brûlure quelque chose d’invisible ne jamais prendre forme. » (p.348)
Maria Pourchet signe indéniablement un récit d’une grande force, exigeant dans sa lecture, mais que pourtant on ne peut quitter. C’est là le paradoxe auquel j’ai été confronté. Insensible ou presque au personnage de Clément, empathique à l’égard de celui de Laure, mais au final décontenancée par cette histoire (d’amour) manquée…
Feu, Maria POURCHET, éditions FAYARD, 2021, 358 pages, 20€.
en effet, l’écriture est déconcertante !
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N’est-ce pas ? Certains crient au génie, d’autres non…
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