
Cette chronique est un peu particulière car le récit du jour m’a été offert par une élève et sa maman (MERCI !). De plus, c’est la première fois que je lis Aurélie Valognes, écrivaine ultra populaire et dont la particularité est celle de donner des titres à ses livres et à ses chapitres tirés des expressions de la vie de tous les jours (« Minute, papillon », « Les petits ruisseaux font les grandes rivières » pour ne citer qu’eux). Un choix plaisant puisque derrière les images d’Épinal, l’écrivaine en narre astucieusement le contenu.
Ici, il s’agit de Gustave, un garçonnet sympathique qui ne fait pas de bruit, trop heureux de se laisser aller à la contemplation du ciel et des oiseaux, et de laisser la première place à sa sœur aînée, une tête d’ampoule à l’ego surdimensionné. Le problème, lorsque Gustave commence son CP, c’est qu’il est lent, et que rien ne rentre vraiment dans sa tête. L’orthographe est un cauchemar, les heures de cours un supplice.
« Il est lent, mais lent… Il faudrait qu’il se réveille et mette le turbo : on n’est plus en maternelle ! Il est toujours en décalage, ne comprend ni les questions, ni les consignes. […] Ça, pour être dans la lune… » (p.39)
Son maître le prend en grippe, l’accusant de ne pas travailler, de ne pas avoir de prédispositions intellectuelles. Soit. Pourtant, le petit Gustave travaille d’arrache-pied, aidé par sa mère. Mais ça ne paie pas…
« Il découvrait que l’école n’est pas seulement un lieu où l’on apprenait, mais où, parfois, l’on souffrait. » (p.58)
Les années défilent, et à chaque fin d’année sa tête est sur le billot : Gustave est considéré comme un cas désespéré et désespérant. Il parvient de justesse à passer en 6ème, mais lui qui espérait un nouveau départ se heurte à la réalité : ses difficultés le poursuivent et une réorientation en voie professionnelle est envisagée.
A force de s’entendre seriner qu’il est un bon à rien, que l’administration « doit parler » à sa mère, Gustave finit par se persuader qu’il est un cancre. Quitte à oublier l’empathie dont il dispose naturellement. Quitte à oublier la pertinence futée dont il peut être capable. Parce qu’on l’a catalogué, Gustave n’a d’autre choix que de s’éteindre progressivement.
« Se sentir différent, constamment en décalage avec les autres, Gustave en avait l’habitude. » (p.167)
Mais la rencontre avec une personne va changer les choses. Qui ? Il serait scandaleux de dévoiler le mystère de son identité ! Disons simplement que l’espoir va renaître lorsqu’enfin on va se décider à croire en lui.
« Vraiment, il a un truc, ce gamin […]. Il n’a plus aucune confiance en l’adulte, il est dégoûté, cassé, détruit par l’école. Il croit que nous sommes ses ennemis. » (p.205)
Néanmoins, pas évident de rebooster l’ego d’un adolescent de douze ans quand on n’a cessé de lui marteler les pires ignominies. Alors encore une fois, c’est un combat qui s’annonce pour Gustave, mais cette fois-ci pour regagner une estime perdue depuis trop longtemps.
Le corps professoral peut être capable du pire (parfois hélas) comme du meilleur (souvent !) : Aurélie Valognes, dans son récit nourri de références personnelles et de témoignages, dénonce l’accablement dont peuvent être victimes des élèves, et célèbre la vocation de ceux qui, en chaque élève, croient en sa capacité à être et à devenir quelqu’un. Les années école peuvent marquer au fer rouge des entités : à quand la fin du traumatisme scolaire (harcèlement, « catalogage »…) infligé à certains ?
Alors, plus que jamais, la lecture de ce sympathique récit a conforté la devise (empruntée à ce cher Oscar Wilde) que je m’efforce d’inculquer à mes élèves chaque année : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles »…
« Gustave commença alors à remonter le temps. A narrer toute son histoire. Celle d’un gamin pas fait pour l’école, celle d’un enfant perdu, qui doute, qui persévère et qui tombe encore. Puis l’histoire d’une rencontre, d’une prise de conscience, d’une renaissance ; l’histoire d’une revanche sur la vie, d’une réussite enfin, sur un chemin semé d’embûches. Une histoire simple, finalement, comme il en existe tant d’autres. » (p.348)
Un texte universel sur la condition d’élève, texte qui ne pourra que faire écho au vécu de chacun, qu’il ait été heureux ou piteux… Retenons que rien n’est jamais (ne devrait jamais être) figé : « croire, c’est pouvoir » et « là où il y a une volonté, il y a un chemin » (mon mantra personnel) !
Né sous une bonne étoile, Aurélie VALOGNES, éditions POCKET, 2020, 372 pages, 8.20€.