A croquer

« Jules et Julie, histoire double », Caroline Weill : l’amour à portée de clic

La rencontre amoureuse virtuelle inspire nombre d’écrivains, c’est une évidence depuis plusieurs chroniques faites sur le blog. Jules et Julie, histoire double, en est une nouvelle (et intelligente) preuve.

Le pitch reste bien évidemment le même : deux célibataires, cabossés par la vie (tous deux ont été trompés) et qui, à trente-neuf et quarante-deux ans, nourrissent l’espoir d’aimer à nouveau, d’aimer encore. Mais lorsque l’on traîne derrière soi, consciemment ou non, des peurs et des barrières, il est peu aisé de se laisser aller à la possibilité d’un amour nouveau. Avancer alors que l’on est à moitié pétrifié par le passé et non moins rassuré par les futures années, c’est un rien compliqué…

« Une rencontre, c’est un marathon, pas un sprint. » (p.93)

Pourtant, ce renouveau amoureux est souhaité, tellement désiré. Alors c’est Internet et son application « ATwocoeur » qui va tenter de faire matcher Jules et Julie avec LA bonne personne. Vous vous en doutez : la quête est galère. Entre les obsédés du plan c…, les radins, les insipides et autres déconvenues du même style, la Toile a beau offrir sur un plateau un choix pléthorique, les bonnes trouvailles sont peau de chagrin.

« Parce que je sais que ça va changer. ATwocoeur, c’est une rampe de lancement, une promesse… Peut-être que j’en attends trop. Mais c’est mieux que de ne rien attendre, non ? » (p.36)

Jules et Julie pansent, chacun de leur côté, leurs blessures et questionnent leurs doutes auprès de leur psychologue respectif. Des « Médocs » efficaces qui amènent dans ce récit léger ce qu’il faut de théorie relationnelle et émotionnelle. Cette dimension psychologique du roman n’a rien de surprenant lorsque l’on sait que Caroline Weill est elle-même psychologue et psychanalyste : chaque séance de thérapie éclaire un peu plus Jules et Julie. Pas à pas, ils avancent. Vont-ils aller dans la même direction et se rencontrer, enfin ? Cette histoire double, aux parallèles nombreux, peut-elle bifurquer à un hypothétique croisement des lignes vers une jolie perpendiculaire, celle de l’amour entre Jules et Julie ?

« Ces expériences que vous êtes en train de vivre déterminent les contours de ce que vous êtes, ce que vous voulez et surtout ce que vous ne voulez pas. C’est tout un cheminement que vous faites. » (p.69)

Ce récit d’amour réel et virtuel est charmant, bien écrit. L’alternance du regard de Jules et de la voix de Julie nous permet de comprendre que, qu’importe le sexe, la quête d’un même idéal est universelle. Une aspiration au bonheur d’aimer, à deux, de nouveau.

Point de condamnation sévère de l’amour trouvé en ligne. Bien évidemment, la critique pointe, sous-jacente, lorsqu’il est question des mauvaises rencontres que l’on y fait.

« Je me sens banal, interchangeable, liké pour des raisons futiles, zappé pour des motifs qui le sont tout autant. Clic,existe. Clic, je disparais. » (p.63)

Mais si, parmi ce vivier insondable, se trouvait un nouvel espoir, est-ce que cela ne vaut pas le coup d’y croire ? Malgré tout. Au-delà de tout. Plus que tout.

« Et si s’engager, c’était retrouver sa liberté ? » (p.194)


Jules et Julie, histoire double, Caroline WEILL, éditions Anne Carrière, 2021, 221 pages, 19€.

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