A dévorer !

« Ceux d’à côté », M.T. Edvardsson : chers voisins…

Grand plaisir que de retrouver M.T. Edvardsson trois ans après Une famille presque parfaite, l’auteur suédois excellant à conter les mœurs domestiques des uns et des autres, et à exhumer les travers les moins reluisants de tout un chacun.

Dans Ceux d’à côté, Edvardsson questionne la thématique du voisinage : qui se cache vraiment derrière de simples voisins lambda ? Au-delà d’une bonhommie affichée, de petites fêtes organisées pour fédérer le quartier, quelles flèches acerbes sont prêtes à être tirées sur les uns et sur les autres ?

« Sous mes pieds, le monde se dérobe. Un gouffre à pic s’ouvre et je tombe désemparé dans l’œil du cratère. Parfois, il n’y a personne à accuser. La vie se brise, les personnes disparaissent. Rien n’est plus comme avant, et personne ne sait pourquoi. Je continue à tomber. » (p.403)

Lorsque Micke et Bianca Andersson emménagent avec leurs deux enfants dans une bourgade tranquille à des centaines de kilomètres de Stockholm, ils espèrent trouver un havre de paix pour repartir de zéro, Micke en tant que professeur de gymnastique dans un collège, et Bianca comme agent immobilier.

« La Scanie était un nouveau départ. Rien ne devait gâcher ça, et surtout pas quelques voisins. » (p.17)

« C’était comme une aventure. Au feu le passé, en avant vers l’avenir. » (p.24)

Cependant, alors que le couple s’était juré de cultiver une courtoise distance vis-à-vis de leurs voisins, ces derniers les alpaguent littéralement, à commencer par Ake et Gun-Britt, les retraités du quartier, suivis par Ola, un sombre divorcé guère indifférent à Bianca, et enfin Jacqueline et son fils Fabian. Ces derniers retiennent particulièrement l’attention, entre la mère, ancien modèle aux USA, qui peine à maintenir une relation amoureuse vivace et qui écluse son mal-être à grandes lampées alcoolisées, et le fils, un jeune autiste de quinze ans malmené au quotidien par ses camarades. Collant, il s’immisce à chaque instant auprès de la famille Andersson, s’étant pris d’affection pour Micke et la petite Bella.

Micke et Bianca n’ont d’autre choix que de se mouler au cadre institué du voisinage.

« Il faut maintenir les voisins à distance, mais à aucun prix paraître asocial ou ingrat. » (p.38)

Mais lorsque Bianca est renversée par la voiture de Jacqueline, c’est tout un univers apparemment paisible qui vole en éclats : Jacqueline a-t-elle délibérément voulu tuer Bianca ? Si oui, pour quelles raisons ? Une inclination pour Micke ? Une vengeance personnelle ? Car jamais Bianca et Jacqueline n’ont vraiment pu s’entendre, la première affichant son dédain face au spectacle pathétique offert quotidiennement par sa voisine. Quelles luttes intestines ont finalement tissé une toile venimeuse entre voisins ?

« C’était un acte de vengeance, une déclaration de guerre. Mais pourquoi ? Toujours la même vieille histoire. » (p.278)

Pour Micke, c’est sa vie qui se brise. Lui qui avait voulu fuir la capitale pour recommencer sa vie à zéro, il se retrouve face à un néant tragique.

« J’aurais aimé ne jamais emménager ici. Le rêve d’une vie tranquille dans un quartier résidentiel n’était qu’une chimère. » (p.333)

M.T. Edvardsson signe un thriller domestique comme on les aime tant, accordant une bonne place à la complexité psychologique de chacun. Centré sur la narration des personnages de Micke, Jacqueline et Fabian, le fil de l’histoire de dédouble entre l’avant et l’après de l’accident. On est ému par l’humanité de chacun de ces protagonistes, chacun étant empêtré dans une situation dont il ou elle peine à s’extraire, hanté par des démons plus ou moins avouables. On sera sensible au fiel qui se distille entre voisins, lorsque les volets sont fermés et que les langues se délient… Car, au final, qu’est-ce qui se trame derrière les portes du voisinage ?

« Certaines choses ne se réparent pas. Que fait-on avec ce qu’on n’arrive pas à réparer ? On le cache, on le jette, on l’oublie. » (p.181)

Sous couvert d’un masque de cordialité, que cache chacun ? Un seul mot d’ordre une fois le livre refermé : face à vos voisins, restez sur vos gardes… La prudence est de mise !


Ceux d’à côté, M.T. EDVARDSSON, traduit du suédois par Rémi Cassaigne, éditions SONATINE, 2022, 410 pages, 22€.

2 réflexions au sujet de “« Ceux d’à côté », M.T. Edvardsson : chers voisins…”

  1. Super ! Un thriller psychologique comme je les apprécie… Nos chers voisins !!! Je pourrais en raconter quelques anecdotes, tant ce microcosme peut être riche de surprises (bonnes ou mauvaises). Je suis sûre d’adorer cette ambiance scandinave et je vais courir pour l’acheter 😉
    Merci pour ton analyse qui donne vraiment envie de lire ce roman 🌞

    Aimé par 1 personne

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