
Léna et sa meilleure amie Max trompent l’ennui des vacances scolaires en passant leurs journées à la piscine du quartier. Hors de question d’y nager : au mieux on y barbote, l’essentiel étant de s’afficher et, pourquoi pas, d’épingler de nouvelles rencontres.
C’est tout justement le cas avec Yannis et Lounès, deux gars de cité qui tapent d’emblée dans l’œil des deux amies.
« Je les ai vus, moi aussi, les deux garçons. Ils sont encore là, […] ils paraissent attendre quelqu’un, et mon cœur bat bizarrement dans ma poitrine, plus spongieux que d’habitude, comme s’il était plus mou et qu’il s’était rempli d’eau. » (p.23)
Mais, crime de lèse-majesté, Max les revoit seule, sans le dire à Léna. Une trahison que la jeune fille ne digère pas. Alors, c’est auprès de Sabrina, une copine totalement décomplexée, que Léna peut tranquillement maudire son ex-meilleure amie.
« Lorsque Lounès parle, j’arrête de penser à Max, à ses mensonges mesquins ou au hasard bien manigancé qui lui a permis de revoir les deux garçons la veille, sans moi. » (p.54)
Les deux nouvelles copines s’entendent bien, très bien. Mais Léna ne peut s’empêcher d’épier Max, entourée de Yannis et de Lounès.
Fragile équilibre que ce trio de filles aux duos sans cesse renouvelés. Le point névralgique : Léna, bien décidée à se venger de Max, mais aussi bien trop éprise de leur amitié pour ne pas lui jurer allégeance éternelle, quitte à sceller le destin de Sabrina de la pire des manières.
« Les amitiés les plus belles sont celles qui font le plus souffrir. […] Ce qui signifie, et c’est malgré tout très poétique, que nous sommes désormais unies par les mêmes regrets. » (p.134)
Chronique d’un été, La fille de la piscine se fait le récit du désœuvrement d’une jeunesse tout entière polarisée sur l’Autre, à la fois semblable et différent. Une vaste comédie de tous les instants, où le paraître devient manigance.
On retiendra de ce texte, narré par le personnage de Léna, sa sensorialité exacerbée : plus que jamais le roman donne à voir, sentir, palper, entendre… Le prosaïsme est de mise : n’attendez pas une quelconque sublimation du terrain aquatique. Au contraire, les mots se parent d’une certaine crudité, voire vulgarité, qui incarne cette adolescence prête à braver les interdits pour mieux se construire, alors qu’au fond de chacun des personnages demeure cette innocence naïve et enfantine.
Le récit s’étire en une répétition de ces journées à la piscine. Pourtant, de façon très diffuse, on perçoit une certaine tension dramatique monter au-fur-à-mesure que les liens entre les jeunes gens se font, se défont et se refont. Jusqu’aux dernières phrases, qui claquent et annoncent sans la montrer, par un souci de bienséance propre au genre théâtral, la tragédie à venir…
« Il faudrait quand même qu’on se venge bien comme il faut. » (p.153)
La fille de la piscine, Léa TOURRET, éditions GALLIMARD, 2022, 158 pages, 16€.